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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 12 août [18]64, vendredi, 6 h. ¾ du matin

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, je t’aime ; je te souris dans l’espoir que tu as passé une bonne nuit et que ton cher fils va toujours de mieux en mieux. Je te bénis du fond de mon cœur ainsi que tous ceux qui te sont chers. Je t’adore.
J’ai déjà envoyé une bordée de baisers à votre pavillon puis j’ai risqué un œil hagard et craintif sur tous mes environs pour savoir si vous n’étiez pas là aux aguets pour me prendre en flagrant délit de traversin et d’oreillers ; mais je n’ai rien vu que la mer qui miroitait, les passants qui passaient et le soleil qui clignotaita ; sur ce : MERCI, MON DIEU ! Je me suis ruée Zavec avec bonheur sur ma couverture et sur mes draps que j’ai accrochés tout vifs au fer de mon [balcon  ?] et me voilà : attrapéb ! Du reste je me porte si bien depuis bientôt 3 jours que je me crois en droit de commettre tous les crimes par reconnaissance pour Dieu et par amour pour vous. « Et puis fâchez-vous si vous voulez, cela m’est bien égal », comme le dit un méchant auteur inconnu de MA CONNAISSANCE [1].
Tout cela, mon doux adoré, n’est que la litière où je cache ma tendresse sans bornes et mon amour pour toi. Je voudrais baiser tes chers petits pieds et te faire encore des SCÈNES DE JALOUSIE. Tu ne sais pas combien je t’aime, tu ne le sauras que lorsque nous ne serons plus tous les deux que des âmes. Mais d’ici-là, mon pauvre bien-aimé, il ne faut pas que rien de mauvais se mette entre nous et sépare nos deux mains jointes l’une à l’autre, en attendant l’enlacement de nos deux ailes. Je te supplie d’avoir la patience d’attendre régulièrement et fidèlement la fin de cette vie ensemble pour que nous nous retrouvions au même moment au ciel parmi les élus de l’amour et de la fidélité.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 214
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « clignottait ».
b) « attrappé ».

Notes

[1« Et puis, fâchez-vous si vous voulez » dit la Reine à Simon Renard dans Marie Tudor (IIIe journée, première partie, scène 4).

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