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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 novembre [1838], mercredi après-midi, 2 h. ½

Mon cher petit bien aimé, le jour est bien triste aujourd’hui dans la rue et dans mon cœur. Il pleut sans discontinuer, et je ne peux pas m’ôter de la pensée que nous avons soupé hier ensemble pour la dernière fois. Par la dernière, j’entends la dernière de cette bonne petite soirée de bonheur qui a duré plus d’un mois, mais plus cette habitude était douce et charmante, et plus je ressens le vide et l’isolement de la vie seule et bête à laquelle je me voue pendant onze mois de l’année. Il est vrai que pour un jour de bonheur entier passé avec toi, je me vouerai à habiter la Lune, et à vivre de la vie d’un hottentot malade pendant trois cent soixante-quatre jours. À propos, je viens de recevoir une lettre de ma Claire. Elle se désespère et pense que sa robe et son chapeau ne viendront jamais. Je ne sais vraiment que lui répondre, tu devrais mon cher bonhomme, tâcher de nous donner un moment pour faire nos affaires les plus urgentes. Je vais encore acheter du bois au détail aujourd’hui. C’est ruineux. Je voudrais bien être dans l’âme de tous ceux qui ont lu Ruy Blas depuis hier [1]. Quel nez pour les uns, et quelle lumière pour les autres. Pour moi, c’est toujours de l’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 182-183
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


28 novembre [1838], mercredi soir, 4 h. ¾

Quel chien de temps, je crains que cela ne vous empêche de venir me voir mon Toto, avec cela que vous avez peu de parapluies, si j’en excepte ceux des divers prochains qui les oublient chez vous. Je suis triste comme un vieux hibou, j’ai mal à la gorge et à la langue, je tousse comme une duègne, je suis sale comme une [illis.], enfin je ne suis pas bonne à prendre avec des pincettes, si nous en avions soit au physiquea, soit au moral, et cependant, mon amour, je vous désire de toute mon âme, et je n’ai jamais eu plus besoin de vos caresses. Je vais me dépêcher de faire mon grand nettoyage, après quoi si je ne vous vois pas, je me livrerai à cœur joie à toute ma tristesse, et à toutes les noires pensées qui me passeront par l’esprit. Je viens d’envoyer chercher pour 5 F. 12 sous de bois par le frotteur au chantier, les [illis.] des fruitières sont de véritables mystifications, j’en ai en usés pour 2 F. hier, au reste tout cela équivaut à jeter son argent par les fenêtres. Le plus économique est d’aller faire sa vraie provision au chantier.
Je vous aime mon Toto, je t’aime mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 184-185
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) « phisique ».

Notes

[1Ruy Blas paraît chez Delloye le 27 novembre.

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