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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1838], samedi matin, 10 h. ¾

Mon cher petit homme, je viens de faire une erreur de date, ou plutôt voilà trois jours qu’elle dure. C’est ce qui fait que j’ai payé le loyer tout à l’heure comptant que nous étions le 14. Au reste, peu importe, vaut mieux être en avance qu’en retard pour ce genre d’exercice. Je vous préviens que si vous ne me menez pas chez la mère Pierceau aujourd’hui, ça me sera absolument égal. Hein ? qui est-ce qui est folle ? C’est Toto, vive Toto, papa est bien i. En vous attendant je fais votre tisane, je compte ma dépense, je fais mes affaires afin d’être toute prête si par esprit de contrariété vous vouliez absolument me mener de force chez la mère Pierceau. Tiens, ce beau rayon de soleil qui vient s’étaler sur mon papier, il me semble voir un de vos regards quand par hasard vous le laissez tomber sur moi, celui-ci ne me réchauffe que la main, le vôtre me brûle l’âme. Mon Toto est bien i, j’aime mon Toto. Tâchez de ne pas prolonger mon jeûne indéfiniment car j’ai bien faim et soif… de vous. J’espère que pour une femme à jeun je suis assez aimable et infiniment spirituelle ! Ça n’est pas difficile car je ne dis que la vérité même en riant. Venez me baiser vilain homme, vous défoncez trop mes citrons, vous n’en aurez plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 39-40
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette


13 octobre [1838], samedi soir, [illis.] ¾

Vous avez eu le temps, mon adoré, de faire une toilette colossale depuis que vous m’avez quittée ? Voilà bientôt la nuit et vous n’êtes pas encore à votre poste tandis que moi je suis sous les armes depuis [illis.] heures.
Toto, Toto, prenez garde à vous, des pots ne suffiront pas à désarmer ma colère quoiqu’ils soient très beaux et presque aussi jolis que vous. J’ai endossé la robe ouatéea et les bas de laine. Malgré cela j’ai un froid de chien, c’est commencé de bonne heure à grelotter. Mais qu’est-ce que vous faites donc mon Toto avec votre serrurier, votre [barbier  ?] et vos [illis.] ? Est-ce que vous allez me faire coucher ICI ? Sans vous ? Que je vous y attrape, je vous donnerai de fameuses gifles sur votre mufle rose et j’endosserai le fameux costume à l’instant même pour en faire jouir mes amis et connaissances. Papa est bien I. Bonjour papa. Bonjour Toto, je suis très vexée de m’être attiféeb d’avance ce sera cause que vous ne viendrez pas. Donnez votre joli petit museau que je le baise sur toutes les ouvertures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 41-42
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) « ouattée ».
b) « attiffée ».

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