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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 janvier [1839], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour, mon Toto chéri, comment vas-tu, mon adoré ? J’espérais que tu viendrais déjeuner et te reposer ce matin mais tu n’as pas voulu, c’est très mal, vieux vilain. Si je pouvais, je vous en voudrais, pauvre petit homme, je ris jaune quand je te dis cela. Je ne t’en veux pas, je t’admire, j’ai le cœur plein d’adoration. Tu es pour moi tout ce qu’on respecte, qu’on vénère, qu’on admire et qu’on adore. Je voudrais baiser tes pieds et mourir sur ta bouche. Je t’aime, je t’aime, je t’aime ! Je me suis endormie tard, je n’ai éteint ma lampe qu’à 3 h. Je [ne] me suis réveillée que tard, aussi j’en suis honteuse quand je pense à toi, mon adoré. Il est vrai que si je pouvais t’aider à quelque chose ou même fixer mes yeux sur toi, je n’aurais jamais sommeil, mais seule, c’est encore ce que j’ai de mieux à faire, car souvent mes rêves me rapprochent de toi. Il fait un temps sombre et désagréable aujourd’hui. J’aimerais mieux la gelée et le soleil que la pluie et le [illis.]. Malheureusement le bon Dieu ne demande pas mon goût pour faire reluirea son soleil ou pour faire pleuvoir son margouillis [1]. Mon cher petit homme adoré, je t’adore, mon Toto. Papa est bien i. Jour, tâche de venir me voir tout à l’heure, cela me mettra un peu de beurre sur ma journée d’aujourd’hui. Je t’aime mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 109-110
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « reluir ».


30 janvier [1839], mercredi soir, 6 h. ¼

Je vais bientôt te voir, n’est-ce pas mon Toto chéri ? Cette journée sans toi a été bien longue et bien froide. J’ai bien besoin de prendre un peu de chaleur et de bonheur sous tes baisers. Je vous aime, Toto, je t’adore, mon petit homme, et j’en suis d’autant plus attrapéea que je ne te vois presque jamais. La bonne me dit qu’il fait un grand verglas dans les rues, j’ai peur que tu ne tombes et te blesses. Tu devrais bien ne sortir que pour venir ici et n’en plus bouger de la soirée. Au moins tu serais à l’abri des CHUTES et je serais bien tranquille et bien heureuse. Mais tu ne feras pas cela, tu iras courir la prétentaine et t’épaterb dans quelque coin de rue ou de boulevard au risque de te casser bras et jambes. Oh ! c’est très spirituel ! Voime, voime, très spirituel. Et dire que je vous aime de plus en plus fort. Voici bientôt 6 heures et demie et vous n’êtes pas encore venu. Cela promet, MADOUÉ [2] ! Vous n’avez guère soin du bonheur de votre pauvre Juju. Je vous aime tout de même mais à la condition que vous me permettrez d’être triste de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 111-112
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « attrappée ».
b) « t’épatter ».

Notes

[1Dictionnaire de l’Académie Française, 1811 : « margouillis. s. m. Gâchis plein d’ordures. Mettre le pied dans le margouillis. On dit familièrement et figurément, Mettre ou laisser quelqu’un dans le margouillis, pour dire, Le mettre ou le laisser dans l’embarras d’une mauvaise affaire. »

[2Juron breton.

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