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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 juin 1838

6 juin [1838], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour petit homme chéri. Comment vas-tu, comment vont tes yeux ce matin ? Il fait un temps affreux, j’espère que ça n’influe pas sur eux mais dans tous les cas, il sera très prudent de tenir tes pieds à l’abri de l’humidité. Si j’étais maîtresse de votre chère petite personne, j’en aurais joliment soin et je l’empêcherais bien d’avoir mal aux yeux. Malheureusement, je ne suis rien, moins que rien, UNE FEMME, ça ne compte pas dans la nature, surtout quand elle SERT aussi peu que moi….. n’est-ce pas, Toto ? C’est bien décidément SOT que tu aies gagné mon amour. Je m’en suis assurée en payant la bonne tout à l’heure. Pauvre homme adoré, je ne veux pas vous FRUSTER [1], vous avez trop de peine à gagner cet argent-là et vous êtes trop i pour que je vous fasse le moindre petit vol. Pauvre adoré, tu ne sais pas comme j’ai le cœur plein d’amour et de pitié quand je pense à ce que tu fais pour moi toutes les nuits. Ce n’est pas du remordsa car je t’aime trop et je te suis trop fidèle pour ne pas accepter ton dévouement, mais c’est quelque chose de doux et de triste qui me donne envie de pleurer. Je t’adore, mon Victor bien-aimé.

Juliette

BNF, MSS, NAF 16334, f. 236-237
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « remord ».


6 juin [1838], mercredi soir, 5 h.

Est-ce que vous m’oubliez, mon Toto ? Voilà toute une grande et triste journée passée sans vous voir, et pourtant je ne vous ai jamais plus désiré ni autant aimé. Si vous travaillez, donnez-moi une pensée, si vous ne travaillez pas, venez vite. Quel temps, mon Dieu, avec ça, c’est la Saint-Médard demain, pour peu qu’il y mette de l’entêtement, en voilà pour 40 jours ni plus ni moins, après quoi nous achèterons du bois pour nous chauffer. Quel délicieux pays ! J’ai mal à la tête, c’est tout simple. J’ai le cœur triste, c’est juste : d’un côté le déluge, de l’autre l’absence, c’est-à-dire la mort de l’âme. Ne grognez pas, mon Toto, si vous me trouvez morose ce soir. Je sens que si vous ne venez pas très tôt, je ne serai pas maîtresse de ma tristesse, ainsi ne m’en veuilleza pas et pensez que je vous aime. Non seulement vous ne me donnez pas mon dîner promis mais vous me supprimez les quelques rares déjeuners que vous aviez la bonté de prendre de temps en temps avec moi. Oh ! Je suis bien heureuse ! QUEL BONHEUR ! Je t’aime, mon Toto, mais je suis triste, triste.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16334, f. 238-239
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « veuilliez ».

Notes

[1Déformation volontaire de « frustrer ».

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