Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1854 > Janvier > 11

Jersey, 11 janvier 1854, mercredi soir, 4 h.

Dites donc, vous, je ne veux pas que vous me preniez aux mots tant que ça ; au cœur, à la bonne heure. Du reste, comment voulez-vous que je me monte l’imagination quand je vous vois à peine cinq minutes toutesa les vingt-quatre heures. Cette mesure étant donnée, mon esprit est aussi court que mon bonheur ; à qui la faute ?????b À force de faire de la croûte de mon pain, le lard de ma mie rassis et de nécessité vertu, j’en suis venue à trouver le régime médiocre et à désirer ardemment en changer contre un plus ragoûtant et plus substantiel. Ce qui vous prouve que l’appétit vient même sans manger. Tout cela, au fond, n’est pas aussi drôle que les ZONNEURS que me rend le citoyen Claude Durand. Non que je fasse la dégoûtée du bonhomme et de sa poésie, mais le moindre petit baiser de vous ferait bien mieux mon affaire. Ne l’ayant pas, le baiser, il faut bien que je m’en mécontente et que je me soulage en grognonnant un petit brin avant de convenir que je ne vous en aime pas moins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 19-20
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière

a) « tous ».
b) Les cinq points d’interrogation courent jusqu’au bout de la ligne.


Jersey, 11 janvier 1854, mercredi soir, 4 h. ½

À la restitus, l’on bisque et l’on débisque, à la restitus l’on bisque comme il faut. Tralalala, la la la la la la la la la la la la la la la a, rinforzando, staccato, crescendob, con diavolo. Cette mélodie constitue à elle seule mon concert européen et suffirait à me faire battre en mesure si vous aviez le moindre sentiment musical et l’instinct de la gamme chromatique des embêtements. Mais passons vite à une autre ère pour vous épargner les ZUTS [1] mélancoliques qui voltigent sur vos lèvres depuis le commencement de cette savante symphonie. Hélas ! J’ai beau faire le même refrain s’obstine à rester dans le bec de ma plume. Je ne comprends pas bien la nécessité pour vous de retourner passer cette journée à l’imprimerie quand déjà vous y avez passé presque toute la nuit ? Tout cela me paraît plus GRAVE [2] que vous ne le dites et me met martel en tête. Tenez mon Toto, décidément j’ai plus envie de pleurer que de rire car je sens que je vous aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 19-20
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière

a) « la » est répété 16 fois, sur deux lignes entières.
b) « crecendo ».

Notes

[1Jeu de mots : les « ut ».

[2Juliette est jalouse de l’actrice Mlle Grave, à qui Hugo donne des indications pour son rôle de la reine, pour une représentation de Ruy blas à Saint-Hélier le 16 janvier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne