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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 juillet 1846

31 juillet [1846], vendredi matin, 9 h.

Bonjour mon Toto aimé, bonjour mon petit Toto chéri, bonjour. Je vous aime, bonjour, je vous adore, bonjour, j’ai chaud, bonjour, et vous, comment que ça va ? Cher adoré, vous avez joliment bien fait de revenir hier au soir, mais vous auriez encore mieux fait de ne pas vous en aller du tout. Oh ! mais c’est égal. J’ai été bien heureuse hier de notre petite soirée, et j’espère bien l’être encore davantage demain, si le père Pasquier ne s’y oppose pas, puisque je serai plus longtemps avec toi. Je voudrais déjà y être. J’ai hâte que tu viennes pour te baiser d’abord, ensuite et toujours, et pour savoir si notre chère petite partie de demain n’est pas ajournée. Tâche de venir bien vite me le dire et me donner ton cher petit bec à baiser de toutes mes forces et de toute mon âme. Que je vous voie vous moquer de mon orthographe et puis vous verrez ce que je vous ferai. J’en ai peut-être plus que vous et si je ne m’en sers pas, c’est pour ne pas vous humilier. Baisez-moi et aimez-moi, ça vaudra bien mieux, et venez bien vite me donner des nouvelles de notre projet. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 257-258
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette


31 juillet [1846], vendredi après-midi, 4 h. ½

Il me semble que vous n’êtes plus si empressé de venir que vous l’étiez ce matin, monstre ? Du reste, c’est fort maladroit à vous de ne pas y mettre plus de finesse. Si, comme je le crois, vous tenez à vos yeux, taisez-vous car je ne ris pas du tout. Je suis tellement aveuglée par la colère et par la fumée que je ne vois plus ce que j’écris et que j’étrangle dans ma peau. Penser qu’il y a des gens qui profitenta de cette température de plomb fondu pour faire du feu de bois et remplir toute une cour de fumée, en vérité, c’est presque aussi adroit que votre conduite de ce matin. Taisez-vous je suis furieuse, je suis jambonnée [1], je suis féroce, je suis enragée. Je crois que c’est tout cela qui me donne l’affreux mal de tête et d’estomac que j’ai dans ce moment-ci. Si je pouvais l’envoyer sous enveloppe à ceux qui me trahissent, je n’y manquerais pas. Eugénie est là. Elle fait sa tapisserie à mort, ce qui ne l’empêche pas d’être triste car M. Vilain n’a pas encore reçu mandat pour aller chercher de l’argent au ministère. On n’est pas plus désobligeant que ce ministère-là, car enfin, puisque cette statue est achetée [2], c’est bien le moins qu’on donne un acompte tout de suite. Ces pauvres gens me font de la peine et malheureusement tu ne peux plus dans cette affaire-là. Mais vous pouvez toujours tout pour moi. Pourquoi donc n’yb mettez-vous pas plus d’acharnement ???? Taisez-vous et baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 259-260
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « profite ».
b) « ni ».

Notes

[1Jambonné : noirci (comme du jambon fumé).

[2Victor Vilain, à qui Hugo a offert son appui auprès des autorités, cherche des commandes publiques. On ignore de quelle statue il s’agit.

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