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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juillet [1846], lundi soir, 5 h. ¾

Cher adoré, te voilà déjà parti et Dieu sait quand tu reviendras. Je fais pourtant tout ce que je peux pour que mon amour ne te dérange pas. Je te regarde à la dérobée, je te souris quand tu ne me vois pas, je mets mon regard et mon âme partout où je voudrais mettre mes baisers : dans tes cheveux, sur ton front, sur tes yeux, sur tes lèvres, partout où les caresses ont un libre accès. Je mets des sourdines à mon adoration pour ne pas troubler tes pensées. Je me fais âme le plus que je peux pour que ma présence ne te gêne pas, et malgré toutes ces précautions, c’est à grand peine que je parviens à te retenir une heure ou deux auprès de moi. Cependant, je ne veux pas me plaindre aujourd’hui, car je t’ai eu un peu plus longtemps que je n’avais osé l’espérer. Je t’en remercie et j’en remercie le bon Dieu du fond du cœur. Je voudrais être à ce soir pour t’en remercier de toutes mes forces et avec des millions de baisers.
Quand donc me ferez-vous sortir mon Toto ? Il y a bien longtemps que cela vous est arrivé. Si vous étiez bien gentil, vous viendriez me chercher ce soir (avant minuit), pour me faire marcher un peu. Je sens que j’en ai bien besoin pour ma tête. Cependant, je n’y compte pas car je sais combien ton temps est disputé par toutes gens et toute chose, sans parler des ami…es. Je me résigne à vous attendre dans mon pauvre coin en murmurant contre tout ce qui vous retient loin de moi. C’est bien le moins que je puisse faire, puisque vous ne me permettez pas autre chose.
Cher petit bien-aimé, j’ai le cœur gros. Dès que tu es parti, je sens que j’ai une plaie saignante au cœur et dont je souffre horriblement. Quand tu es là, je ne sens plus rien que le bonheur de te voir. Hélas ! que n’es-tu toujours avec moi, ma vie ne serait pas aussi triste et aussi douloureuse qu’elle l’est à de certains moments. Cependant, je t’aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 251-252
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

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