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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril [1847], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, vous, bonjour, monstre, bonjour, toi, que la pudeur et l’indignation m’empêchent de qualifier, bonjour. Je vous attends pour savoir à quelle menterie vous aurez recours pour expliquer votre conduite d’hier au soir. En attendant je me livre à toutes les voluptés d’une rage non contenue et à tous les divertissements d’une fureur sterling. Si vous croyez que je ris vous vous trompez. Je montre les dents mais voilà tout. Je pourrai même montrer le poing selon le degré d’édification et d’admiration dans lequel me mettra le récit de votre conduite de cette nuit. Au reste il fait très beau aujourd’hui, c’est encore là une manière de mystification qui, pour n’être pas de vous, n’en est pas moins irritante. Oh ! je sens que je suis montée !!! Si vous veniez dans ce moment ce serait charmant parce que je vous dégoiserais d’inspiration et d’abondance tout ce que j’ai sur le cœur et ailleurs. Cela me ferait du bien, je le sens. Mais la pensée qu’il faudra peut-être que j’attende jusqu’à ce soir pour vous faire ma scène m’exaspère. Je suis capable d’aller vous chercher tout de suite afin de ne pas perdre le fruit de mon inspiration. Et dire que vous n’aurez pas eu le moindre remords, gros criminel que vous êtes. Que vous aurez dormi comme un loir sans penser un instant à votre pauvre Juju rageant et mordant sa queue d’impatience et de fureur. Voilà ce qui met le comble à ma haine et à ma colère. Taisez-vous et prenez garde à tomber dans mes griffes.

MVH, α 7886
Transcription de Nicole Savy


14 avril [1847], mercredi soir, 10 h.

Mon petit Toto bien-aimé, je vous aime, et puis je vous aime et toujours je vous aime. Avec cela je me fais une vie qui a des jours, des jours qui ont des matins des midis et des soirs. Mais il me faudrait votre collaboration pour avoir des nuits et surtout de bonnes nuits. J’avais bien envie de vous grogner tantôt mais quand je vous ai vu toute ma fureur s’en est allée comme par enchantement et il ne m’est resté que le besoin de vous baiser et de vous caresser. Merci mon Toto, merci de m’avoir redonné un de mes petits dessins qui sont dans les albums [1]. Mais si tu avais été généreux, tu m’en aurais redonné un de chaque album. J’aurais été très capable de les réacceptera, toute faible femme que je suis. Tu devrais essayer ne fût-ceb que par curiosité et pour savoir comment je supporterais le poidsc de mon bonheur. Si tu veux ce soir nous en ferons l’expérience. D’ici là, je vais les regarder encore une fois. Ce sera la seconde fois depuis que tu es parti car je les ai montrés à Louise qui ouvrait des yeux effrayants. Elle aussi aurait acceptéd, sans choisir, au hasard et les yeux fermés. Mais : charité bien ordonnée commence par Juju. Donc, je commence, je continue et je veux finir par moi le plus possible quand il s’agit de vos dessins, de vos gribouillis, de vos sourires, de vos yeux doux, de vos compliments et de votre amour.

Juliette

MVH, α 7887
Transcription de Nicole Savy

a) « réacepter ».
b) « fusse ».
c) « poid ».
d) « acepté ».

Notes

[1À élucider.

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