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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mars [1847], mardi matin, 10 h. ¾

Bonjour, toi, bonjour, cher bien-aimé, bonjour, mon Toto, bonjour, je te baise depuis un bout jusqu’à l’autre. Tu es bien charmant d’être revenu cette nuit quoique j’en aie très peu profité puisque tu es resté trop peu et que j’avais fait la mauvaise action de m’endormir. Cependant si peu de temps qu’ait duré ton apparition elle m’a fait du bien et à l’heure qu’il est j’en ressens encore la douce influence. Merci, mon Toto, merci, mon adoré petit Toto, je t’aime je te souris et je suis heureuse.
Le pauvre Charlot touche à deux fameux moments maintenant. Si les vœux pouvaient servir à quelque chose il prendrait dans le sac le n° 244, 695. Et il passerait son examen avec tous les honneurs dus à son sexe et à son rang. Malheureusement cela n’y peut rien et il faut attendre et se soumettre à ce que le bon Dieu voudra au risque de voir bisquer ce charmant goistapiou et son illustre père. Je voudrais être à tantôt pour connaître votre sort à tous les deux, mes pauvres chers aimés. D’ici là, le temps va me paraître bien long et bien ennuyeux. Pour le raccourcir je vais bien penser à vous tous, bien vous aimer et bien prier pour vous. Je t’envoie à toi en particulier toute mon âme dans un baiser.

Juliette

MVH, α 7855
Transcription de Nicole Savy


9 mars [1847], mardi soir, 8 h. ½

Tu vas revenir, n’est-ce pas mon Toto, j’y compte bien et je t’en voudrais beaucoup si tu ne revenais pas, car enfin ce n’est pas la visite de ce ou à ce Monsieur Turlututu qui peut t’empêcher de revenir dans la nuit. Sérieusement je finirai par croire que tu as quelque intrigue que tu veux me cacher. Ce n’est pas la première fois que le soupçon m’en est venu et je dois dire que plus je vais en avant et plus ce soupçon prend dans mon esprit la forme d’une triste et hideuse réalité. Je voudrais pour ma vie me tromper, mais j’ai je ne sais quel pressentiment qui m’ôte toute confiance et toute sécurité. Pourtant tu me souris comme à l’ordinaire. Tu es plus beau que jamais. Hélas ! C’est probablement cette beauté si rayonnante qui fait tous mes doutes et toutes mes inquiétudes. Si tu étais vieux, laid et grimaud, je serais probablement très tranquille. Il y a des moments où je le souhaite pour être sûre que tu ne te laisseras aimer que par moi et que tu ne pourras aimer que moi. Si le bon Dieu était juste il m’accorderait ce que je lui demande au risque de t’attrapera beaucoup. En attendant il faut faire comme si cela était, par pitié pour toi comme pour moi.

Juliette

MVH, α 7856
Transcription de Nicole Savy

a) « attrapper ».

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