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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 février [1847], mardi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon Toto, bonjour mon vrai petit homme, bonjour vous, bonjour toi, je t’aime. Je n’ai pas dormi de la nuit mais je ne m’en plains pas, au contraire, puisque j’ai pu penser à mon bonheur plus longtemps. Mais toi, mon pauvre piocheur, qu’as-tu fait après m’avoir quittée ? Est-ce que tu ne t’es pas couché tout de suite ? Tu l’avais cependant bien mérité. Si tu m’en avais crue, et si j’avais été la maîtresse, je t’aurais gardé auprès de moi tout le reste de la nuit. Je t’aurais bien dorlotéa jusqu’à ce matin et j’aurais ajouté à mon bonheur d’amour le bonheur de te voir reposer tranquillement et sans être interrompu, si ce n’est par mes baisers. Malheureusement, cela n’est guère possible maintenant avec tous les chiens que tu as à fouetter, à droite et à gauche, matin et soir et toutes les nuits, ce dont j’enrage de bon cœur.
M. Vilain est venub avec Eugénie chercher ta lettre. Je n’ai pas pu lui dire ce dont j’étais convenue de dire à Eugénie seulement. Ce sera pour la première fois que je serai seule avec elle. J’ai pris rendez-vous pour aller jeudi chez son dentiste qu’elle dit être très bon et très habile. J’ai besoin de me faire arracher une grosse dent dont je souffre et qui menace de gâter toutes les autres. Il y a urgence à faire faire cette extraction tout de suite et j’irai jeudi de 2 h. à 3 h., ce qui ne m’empêchera pas d’aller au-devant de toi à l’Académie. Je ne sais pas si tu as séance à la Chambre aujourd’hui mais ce que je sais, c’est qu’il fait soleil dans le ciel et dans mon cœur et que je voudrais bien en profiter en allant te chercher n’importe où. Je voudrais te montrer ma joie, je voudrais t’imprégner de mon bonheur, pour cela j’ai besoin de te voir. Cependant je n’ose pas l’espérer. J’attends que tu viennes et je te désire de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 49-50
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotté ».
b) « venue ».


23 février [1847], mardi après-midi, 4 h. ¼

J’aurais été bien heureuse, mon Victor bien-aimé, si j’avais pu sortir tout à l’heure avec toi. Cependant, si tu reviens tout de suite, je regretterai moins ma sortie manquée et je serai très contente de rester auprès de toi pendant que tu travailleras chez moi.
Cette bonne Mme Tissard s’est traînée jusque chez moi aujourd’hui. Je ne l’avais pas vue depuis six mois. Je lui ai dit que j’aurais quelques conseils à demander à M. Démousseaua, mais que j’attendrais que les jours soient plus longs.
Te voilà mon adoré, quel bonheur !

5 h. ¾

Je vous soupçonne fort, vieux chinois, de frairie et de ripaille. Vous ne m’aviez pas l’air très catholique avec vos deux pelures et j’ai le pressentiment que vous me trahissez comme un vrai scélérat que vous êtes. Si je vous fais injure, si je me trompe, si vous êtes un bon petit saint bien honnête et bien sage, je vous en demande de mille pardons et je baise la sacrée poussière de vos sacrés souliers. Si, comme je n’en ai que trop peur, vous êtes un monstre, j’apprête mes griffes et mes poingsb et je vous dis que vous ne périrez que de ma main.
En attendant je souffre un petit peu et je vous aime énormément. Tâchez de ne pas venir trop tard ce soir si vous tenez à ce que votre pauvre vieille Juju conserve sa bonne humeur et sa sérénité.

BnF, Mss, NAF 16365, f. 51-52
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « Démousseaux ».
b) « poigns ».

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