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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 février [1847], dimanche matin, 9 h.

Bonjour mon amour, bonjour ma vie, bonjour mon âme, bonjour, je te souris, je t’aime. Depuis hier, depuis la dernière fois que je t’ai revu, il me semble que quelque chose d’ineffable, de doux et de charmant revit en moi. J’ai le cœur plein de douces espérances. Je ne souffre plus, je t’aime. Ce changement est dû à ta bonne visite, mon adoré bien-aimé, et ma reconnaissance s’ajoute encore à tout le bonheur qu’elle m’a fait.
Je voudrais que ma joie te pénétrâta comme un rayon de soleil, qu’elle te plût comme un chant d’oiseau et qu’elle te fît plaisir comme un parfum de toutes les plus charmantes fleurs du printemps. Si mes vœux étaient exaucés, tu serais le plus heureux des hommes comme tu en es le plus grand, le plus noble et le plus puissant. Si je pouvais disposer de ma vie à mon gré, je t’en ferais un paradis plus beau que celui du bon Dieu. Mon cœur ne suffit pas à l’immensité de mon amour, je suis débordée par lui de toute part. Pour l’employerb, je le mets sous tes yeux comme une fleur, sur ta tête comme une couronne d’étoiles, sous tes pieds comme la chose la plus humble, dans ta vie comme une garde vigilante et dévouée, dans ton cœur comme un soleil éblouissant et dans ton âme comme la flamme éternelle. Et quand j’ai fait tout cela il m’en reste encore de quoi défrayer tous les cœurs qui aiment.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 41-42
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « pénétra ».
b) « emploier ».


21 février [1847], dimanche après-midi, 9 h. ¾

Voici l’heure à laquelle tu as la douce habitude de venir quand rien ne te retient, mon cher petit bien-aimé. Je me suis dépêchée afin d’être prête quand tu viendras pour profiter de tous les instants que tu pourras me donner sans en perdre une goutte. Tâche que ce ne soit pas inutilement que je me sois tant hâtée. L’espoir de te voir bientôt me fait un bien au cœur dont tu peux apprécier l’étendue en pensant que c’est aujourd’hui un anniversaire de date et de jour bien douloureux pour moi [1], et que je le supporte avec tout le courage et toute la sérénité que tu peux désirer par le seul espoir de te voir tout à l’heure auprès de moi.
Ce matin j’ai relu encore toutes les adorables pages que tu m’as écrites depuis 12 ans. J’y ai puisé la plus puissante et la plus douce consolation que je puisse éprouver et toutes les larmes qui étouffaient mon pauvre cœur s’en sont allées dans les millions de baisers dont j’ai couvert chaque lettre de chaque mot de ces divines pages. Ce soir j’userai du même moyen pour supporter ton absence jusqu’à demain car je ne veux plus t’affliger ni t’inquiéter. Je veux être aussi courageuse que tu es bon, aussi résignée que tu es dévoué, aussi heureuse que tu m’aimes. Je veux que tu le sois toi-même autant que je t’aime et tu n’auras rien à désirer car je t’aime plus que tout au monde et que ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 43-44
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire Pradier, la fille de Juliette Drouet, est morte le dimanche 21 juin 1846.

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