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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1846

23 mai [1846], samedi après-midi, 2 h. ¾

Je ne t’ai pas écrit ce matin, mon doux bien-aimé, mais tu sais que cela ne m’empêche pas de penser à toi, de ne penser qu’à toi et de t’aimer de toute mon âme. Ma fille a été assez calme toute la nuit mais depuis ce matin elle est excessivement rouge et elle tousse beaucoup. Elle se plaint de cette plainte continue des malades qui fait tant de mal parce qu’on ne peut la faire cesser. La cause de cette plainte c’est une insupportable douleur causée par le séjour prolongé au lit et dans la même attitude.

3 h. ¼

Mme Triger vient de venir et elle n’a pas pu me dire si son mari viendrait tantôt, ce qui est cause que je l’ai assez mal reçue dans le premier moment quoique ce ne fût pas de sa faute. J’ai la tête à l’envers et je ne sais vraiment pas ce que je dis la plupart du temps. La plus petite occasion qui se présente d’épancher mes inquiétudes sous la forme de la mauvaise humeur et de l’irritabilité, ma nature la saisit avec emportement et malgré moi pour se soulager probablement de l’affreuse contrainte que je m’impose en voulant la cacher à ma pauvre fille. Ses plaintes me déchirent le cœur. Je voudrais pouvoir souffrir à sa place. Il me semble que je souffrirais moins. J’attends M. Louis avec bien de l’impatience, tu dois bien le penser. Hier j’avais du courage et de l’espoir. Ton adorable lettre m’en avait donné mais aujourd’hui mes angoisses et mes craintes reprennent le dessus. Je ne sais plus que croire, mon bien-aimé, mon pauvre père éprouvé, mon divin bien-aimé. Prie pour nous ton ange qui est au ciel [1] pour qu’il obtienne la santé de mon pauvre enfant. Je ne peux pas pour moi, je suis trop loin de Dieu de toute façon et trop près du lit de souffrances de cette chère enfant. Ses plaintes me donnent trop de distractions douloureuses et puis, je te le répète, je suis trop loin de Dieu pour qu’il m’entende. C’est en toi que j’espère, c’est à toi [à] qui j’adresse toutes mes supplications. C’est à toi que je donne ma vie toute entière.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 81-82
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Léopoldine, fille de Victor Hugo, morte à dix-neuf ans le 4 septembre 1843.

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