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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 décembre [1846], samedi soir, 8 h. ½

Voici donc mon grand et honnête papier revenu. Je n’en suis pas fâchée. L’autre avait un air luisant et faux qui ne me convenait pas. Avec celui-ci je suis tranquille et je peux cracher tout ce que je voudrai, il ne le trouvera pas mauvais. Je laisse aux forçats, non libérés, aux académiciens, aux Pairs de France et à leurs secrétaires l’usage de ce papier satiné et équivoque.
Mme Guérard a mangé en dormant et elle est partie en dormant à 8 h. Je n’en suis pas fâchée au fond car j’ai une foule de choses sur le cœur à te dire et une autre foule de choses à faire dans ma maison. D’abord, pour commencer, je me plains très fort et très haut du peu de temps que vous êtes resté à me montrer votre joli petit dos pendant que vous écriviez. Il me semble que vous ne dînez pas à 6 h. chez vous et que vous auriez pu rester jusqu’à l’heure de votre dîner ? Vous êtes une bête taisez-vous. Quand reviendrez-vous ? Voilà la question comme dirait le sieur Hamlet. Toujours est-il que je ne vous ai presque pas vu et que j’en suis pour mes frais d’éclairage et de rage. J’aurais très fort dispensé la pauvre Mme Guérard de venir ce soir roupiller dans mon fauteuil mais je ne pourrai pas lui refuser l’hospitalité du moment où elle me la demandait. Demain il est plus que probable que j’aurai Eugénie et les petites Rivière juste au moment où vous pourriez rester avec moi. Cela me contrarie si fort que pour un rien je contremanderais toutes les péronnelles, quitte à les rappeler quand vous seriez parti. Si elles étaient mes voisines je n’y manquerais certainement pas. Je suis sûre que sous votre septième peau de commandeur de l’ordre royal du soleil, vous êtes très content de l’incident et que vous y contribuez le plus que vous pouvez en venant le plus tard possible. Si j’en étais bien bien sûre, quel fichu quart d’heure vous passeriez. Toto, tiens bien ton bonnet car je suis très capable de le jeter moi-même par-dessus les moulins pour mieux tirer ta perruque après.
Baise-moi monstre et viens si tu tiens à la vie.

Juliette

MVH, α 7824
Transcription de Nicole Savy

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