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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 août [1846], samedi soir, 10 h. ½

Je ne t’avais pas écrit ce matin, mon Toto bien-aimé, parce que j’ai pris un bain ; dans la journée, je me suis peignée à fond, et le tantôt, tu sais que je n’en ai pas eu le temps. M. Vilain a travaillé jusqu’à la nuit tout à fait noire ; après on a dîné et on a regardé de nouveau ces deux petits médaillons [1] ; puis Eugénie et M. Vilain s’en sont allés à 9 h. ½. Depuis, j’ai rangé un peu dans ma maison, et puis j’ai compté la dépense, et me voilà te comptant l’emploi de ma journée minute par minute, comme si c’était bien intéressant.
Je t’ai à peine vu, mon Victor, et je m’en plains de toutes mes forces comme d’une affreuse injustice. J’espérais que tu serais revenu avant ton dîner, ou au moins tout de suite après. Je me suis trompée, comme cela m’arrive presque toujours. Dans ce moment-ci, je prête l’oreille à tous les bruits, croyant toujours entendre celui de ton cher petit pas. Mais jusqu’à présent, j’en suis pour des fausses joies les unes sur les autres. Je renonce à écouter davantage pour voir si j’aurai bientôt le plaisir de la surprise. Je n’écoute plus, j’attends. Tâchez de ne pas me faire attendre encore longtemps.
Cher bien-aimé, M. Vilain a laissé ici les deux médaillons, afin que tu aies à choisir celui des deux dont on fera faire un bon creux [2]. Quant à moi, je suis très embarrassée de dire celui que je préfère comme ressemblance. Ils ont chacun leur côté ressemblant, sans être entièrement satisfaisant, ni l’un, ni l’autre. Cependant, j’avoue que je ne croyais pas qu’on pût arriver aussi près de la ressemblance sans modèle. J’en suis agréablement surprise et surtout bien profondément touchée, car il est impossible de mettre plus de bonne grâce et plus d’empressement que n’en met ce monsieur. Je suis très heureuse que tu lui aies déjà payé d’avance la dette de reconnaissance que je lui dois. Je t’en remercie du fond du cœur et je t’aime encore bien plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 61-62
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Victor Vilain a réalisé un médaillon de Claire.

[2En sculpture, moule dans lequel on coule les substances qui doivent en prendre la forme en relief.

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