Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Mai > 30

30 mai 1838

30 mai [1838], mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour mon petit homme bien aimé. Vous ne venez plus jamais à présent, c’est fini ; cependant si vous ne venez pas à présent que sera-ce donc dans un mois ou deux ? Je vous ai déjà écrita une lettre hier fort maussade et fort triste. Je ne veux pas recommencer aujourd’hui, pour cela il faut que je parle de tout excepté de notre amour. Vous étiez bien joli hier mon amour avec votre petit col rabattu et quoique vous ayez attribué au désir de me plaire cette petite recherche dans votre toilette, je n’en suis pas moins poursuivie par une petite idée de jalousie qui me picoteb le cœur non agréablement. Peut-être que si vous étiez venu cette nuit, je n’aurais pas pensé à cela. Mais que faire toute seule dans un lit à moins que l’on ne se tourmente [1] ? Je me suis donc tourmentée et si bien tourmentée que je serai très malheureuse jusqu’à ce que je vous aiec vu. En attendant mon petit homme je fais tout ce que je peux pour n’être ni méchante ni triste c’est-à-dire ni jalouse ni amoureuse. C’est plus difficile que vous ne croyez car je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 208-209
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « écris ».
b) « picotte ».
c) « ai ».


30 mai [1838], mercredi soir, 10 h. ½

Si j’avais su en entreprenant le nettoyagea de tantôt que je n’aurais pas fini avant ton arrivée, certes je ne l’aurais pas commencé. Je ne te vois pas assez pour manquer volontairement l’occasion d’être avec toi une minute. Aussi mon bien-aimé quand tu as été parti je me suis mise à pleurer comme une perdue, ce qui avec l’excessive fatigue de la journée m’a mise dans un état que je ne peux pas dire. Je vais me coucher et te désirer de toute mon âme car de toutes mes forces ce ne serait pas assez. Enfin mon pauvre bien-aimé je suis parvenue, je l’espère, à nettoyerb la chambre de ma servarde, œuvre philanthropiquec s’il en fut mais dont je me serais courageusement abstenue si je n’avais pas vu mes armoires dans son taudis et si le voisinage n’avait pas été aussi immédiat. Jamais je n’avais vu tant de punaises depuis que je suis au monde. Pouah ! Quelled horreur ! Il faut t’aimer autant que je t’aime pour me décider à faire volontairement un travail qu’Hercule lui-même aurait refusé de faire. Oh ! oui je t’aime !!!

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 210-211
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyage ».
b) « nétoyer ».
c) « philantropique ».
d) « Quel ».

Notes

[1Parodie de ce vers de la fable de La Fontaine « Le Lièvre et les Grenouilles » : « Car que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ? »

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne