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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mai 1838

11 mai [1838], vendredi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé. Comment vont tes yeux mon amour chéri ? Je t’aime, moi, voilà ma santé et elle est bien bonne. Je suis cependant furieuse contre moi, contre ma servante, contre toute la naturea excepté contre toi, mon amour, qui n’est pas dans la nature : figure-toi que cette hideuse servante a trouvé moyen de me casser une dent de mon démêloir d’écaille hier et que moi dans ma fureur tout à l’heure, en le remettant dans mon tiroir, j’ai cassé deux dents. Est-ce que ça n’est pas stupide ? Si j’osais, je prendrais ma servante pour me battre, on n’est pas plus bête ni plus jocrisse que moi. Tu es fièrement bon de te laisser aimer par une animale comme moi ; à ta place je lui donnerais de fameux coups de pieds dans les os des jambes. Allez coucher…. veux-tu… et je continuerais à t’aimer tout de même comme un pauvre chien bête que je serais.
Bonjour toi. Tu serais bien i si tu voulais oublier tous mes crimes et me mener donc avec vous en ville. Je vous aimerais bien de tout mon cœur et je serais bien heureuse de toutes mes forces. Voulez-vous, mon petit homme ? Voime, voime, vous ne voulez pas, je le vois bien et je vous aime tout de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 136-137
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « nautre ».


11 mai [1838], vendredi soir, 5 h.

Jourdain est enfin venu, mon amour, avec la frange et les deux notes car il a séparé nos deux comptes. Je crois qu’il a bien fait ? Il doit revenir demain chercher son argent et apporter le petit miroir qui n’est pas encore prêt. Et voilà toutes les nouvelles. Je t’aime mon Toto. J’ai bien le désir de voir ta jolie petite figure et bien besoin de baiser ta belle bouche. Cependant j’ai le pressentiment que tu ne viendras pas de sitôt. Il me semble que vous avez bien du souci de votre col de chemise ? Est-ce que par hasard vous me trahiriez ? Quand je dis par hasard, c’est une mauvaise locution dont je me sers qui veut dire est-ce vous continuez de me trahir ? Je ne sais pas si votre nez bouge mais le mien ne flaire pas baumea à l’endroit de votre fidélité. Elle m’est joliment suspecte votre fidélité depuis que je me rappelle votre coquetterie de tantôt et que je regarde l’heure à ma pendule.
Toto, Toto, prenez garde à vous ! Je vous donne un quart d’heure pour venir. Si d’ici là vous n’êtes pas venu j’userai de mon droit de grogner et d’être triste. En attendant je fais ce que je peux pour être patiente et résignée et je vous aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 138-139
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».

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