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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mai 1838

7 mai [1838], lundi midi ½

Bonjour mon petit homme chéri. Bonjour mon petit homme ravissant. Je t’aime. Je voudrais bien baiser ta belle bouche. Il y a déjà bien longtemps que je ne t’ai vu une nuit. C’est bien long quand on aime comme je t’aime. Je crains d’avoir été bien maladroite cette nuit en arrosant mes fleurs au moment où tu sortais, pourvu qu’il ne soit rien tombé sur ton beau pantalon blanc ! Voilà encore une bien belle journée, mon Toto, et qui sera stérile pour nous comme les précédentes. Je voudrais qu’il fît laid et froid pour n’avoir pas à regretter doublement le malheur de n’être pas avec toi au bout d’une rivière ou au fond d’un bois. Je t’aime trop mon Victor. Tout m’est un sujet de tristesse quand je ne te vois pas. Jour mon chéri. Je ne te demande pas comment vont tes yeux car je m’en doute, tu auras passé toute la nuit à travailler, tu auras tes pauvres yeux très malades et tu seras tout à l’heure, quand je te verrai, le toto le plus ravissant, le plus adoré et le plus résigné du monde ; et puis tu recommenceras cette nuit jusqu’à ce que la fatigue et l’épuisement s’y opposent. Mon cher petit bien-aimé, si je pouvais prendre ta place ! Ce qui est un sujet de tristesse et de tourment pour moi à présent en deviendrait un de sécurité et de joie si je te remplaçais. Je t’adore. C’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 118-119
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


7 mai [1838], lundi soir, 7 h. ¾

Vous m’avez laissée seule toute la journée, mon petit homme, vous ne venez plus que pour m’apporter les journaux à présent et puis vous vous en allez tout de suite. Cela ne me rend pas le cœur très content et j’ai plus envie de pleurer que de rire. Pourquoi donc mon Dieu ne m’aimez-vous plus comme autrefois ? Je vous aime tant moi. Je me sens si triste, mon petit homme que je voudrais ne pas vous écrire pour ne pas vous ennuyer de mes doléances. Je sens que c’est le moyen de vous éloigner tout à fait de moi et je tâche de faire en votre présence bonne contenance pour ne pas vous effaroucher, mais quand je suis seule avec moi-même je n’ai pas le même courage et je vous dis tout ce qui me passe par la tête et le cœur, c’est-à-dire des choses bien tristes et bien tendres, que je vous aime et que vous ne m’aimez pas, que je vous désire et que vous ne venez pas, que je pense toujours à vous et vous jamais. Enfin que vous êtes le plus aimé et le moins aimant des hommes. Je vous dis tout cela et j’ai tort. Je vous aime trop, ce qui est encore un plus grand tort. Je t’ai vu, je t’ai entendu. Je t’adore et je ne t’en veux plus, je crois que tu m’aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 120-121
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


7 mai [1838], lundi soir, 9 h. ¾

Il faut accepter l’amour avec ses inconvénients, disais-tu tout à l’heure, mon adoré. Je me prévauxa de cette maxime pour t’écrire une troisième lettre que tes pauvres yeux adorés auront bien de la peine à lire, mais je ne peux pas retenir à moi les torrents d’amour que je voudrais répandre sur ta chère petite personne bien aimée. Depuis que tu es parti je me reproche de t’avoir attristé de ma tristesse. Je m’en veux de toutes les paroles injustes et amères que je t’ai dites, mais si tu considères que c’est par excès d’amour tu ne t’en affligeras pas et tu m’aimeras un peu davantage. Tu ne sais pas, mon cher bien-aimé, à quel point je t’aime et ce que je souffre.

BnF, Mss, NAF 16334, f. 122-123
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « prévauts ».

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