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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 16 avril 1854, dimanche après-midi, 3 h. ½

Voici mon œuf de Pâques, mon cher adoré, qui contient toute ma pensée, tout mon cœur et toute mon âme dans cette trinité : admiration, dévouement et amour. Si tu veux que le bonheur en sorte, il faut en faire l’incubation dans ton cher petit cœur. En attendant, mon doux adoré, je le couve avec la plus grande sollicitude. Je t’ai à peine vu hier, quoique tu sois venu trois fois chez moi, et encore dans ces trois courtes apparitions, j’ai cru voir en toi quelque chose de triste, de contraint et de souffrant. Je sais bien que tu es un peu enrhumé mais je suis habituée à te voir conserver ta gaietéa et ta sérénité même dans des indispositions plus graves. Au reste, mon bien-aimé, je ne veux pas te forcer à me dire le sujet de ta contrariété ou de ton mécontentement puisque tu ne te sens pas le besoin de t’épancher en moi. D’ailleurs tous les prétextes me sont bons pour t’aimer encore davantage et celui-ci en est un entre tous ; car te savoir ou te supposer malheureux me met l’âme à l’envers et je ne sais pas de quel amour je suis capable pour t’épargner le plus petit chagrin.
Voici Suzanne qui revient de chez toi et qui me dit que tu travailles tout seul dans la salle à manger pendant que ta famille court les chemins ou prend un bain de lézard sur le gazon du jardin. Cela me fait craindre de ne pas te voir de sitôt. Ce n’est pas que je désire sortir, tant s’en faut, puisque je me suis attiféeb exprès pour rester chez moi sans compter que c’est tantôt le père Durand et que tu auras une lettre à écrire à Schœlcher probablement. Enfin, mon adoré, à quelque heure que tu viennes, je t’en serai bien reconnaissante. Et, si tu ne souffres plus et si tu n’es pas triste, je serai la plus heureuse des femmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 142-143
Transcription de Chantal Brière

a) « gaité ».
b) « attiffée ».

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