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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 février [1847], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon Victor, bonjour, joie et bonheur à toi. Je devrais m’en tenir à ce souhait qui contient la meilleure partie de mon âme et ne pas ajouter toutes sortes de stupidités plaintives et blaireuses à ces deux lignes de tendresses désintéressées et d’amour pur. Je sens que si je continue, je ne pourrai pas m’empêcher de laisser tomber de temps en temps quelques grognonneries douloureuses. Pourtant ce n’est pas le moment puisque tout te sourita, puisque tu es le plus heureux des hommes et que le soleil reluit. Je devrais au contraire être très gaie, très aimable, très bonne et très heureuse. Je m’y applique pourtant de toutes mes forces mais sans y parvenir le plus souvent. À quoi cela tient-il ? Je ne le sais pas mais cela est, voilà ce qui n’échappe ni à toi ni à moi. Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu feras ce soir ? Tu as encore des soirées, des dîners et des séances probablement. Je ne sais même pas pourquoi je te fais cette question puisque je sais d’avance la réponse, puisque je sais que tu ne peux pas t’y soustraire et puisque je me suis résignée à mon sort.
Eh ! bien, avais-je raison de ne vouloir pas écrire un mot au-delà des deux premières lignes de ce gribouillis ? Est-ce assez bête, assez maussade et assez méchant, tout ce qui suit ? Pour ma part, je me déteste et je me méprise pour mon mauvais naturel. Si on pouvait se battre je me donnerais des affreux coups pour essayerb de me corriger. Je t’engage à me remplacer pour voir si cela me fera devenir bonne. En attendant, je t’aime et je te baise de toutes mes forces.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/09
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « souris ».
b) « esseyer ».


26 février [1847], vendredi après-midi, 3 h. ¾

Tu ne viens pas, mon bien-aimé, mais moi je viens à toi par la pensée, par le désir et par le cœur. Je fais ce que je veux. Je t’attends avec courage et je me dis que tu m’aimes, et que tu me plains, et que tu me regrettes, et que tu souffres de n’être pas auprès de moi. Est-ce vrai, bien vrai tout cela ? Je te le demande, et sans attendre ta réponse j’y crois et je me fais de cette croyance une cuirasse contre le découragement et le chagrin. Que fais-tu en ce moment, mon bon petit homme ? Tu n’as probablement que l’embarras du choix dans les innombrables occupations qui te tiraillent de tous côtés. Je voudrais pourtant savoir quand je puis espérer te voir et combien de temps tu pourras me donner. Je suis raisonnable mais je ne suis que cela. Jamais je ne pourrai être heureuse sans toi, quelle quea soit d’ailleurs la confiance que j’aie en toi et en ta fidélité. Le bonheur ne se fait pas avec la seule sécurité, il faut encore bien autre chose avec cela. Il faut le sourire, le regard, la voix et les baisers de l’homme qu’on aime et qu’aucun souvenir et qu’aucune bonne parole ne suppléent. Je te dis cela sans aucune amertume et sans aucune mauvaise humeur. Je te …..b

6 h. ¾

Tu es arrivé bien à propos, mon doux bien-aimé, pour récompenser ma VERTU qui ne demandait pas mieux que de me fausser compagnie et de laisser le champ libre à l’impatience et à la jalousie. Heureusement tu es arrivé. Hélas, tu es déjà repartic et il faut que prenne encore mon courage à deux mains pour toute la soirée.

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/10
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « quelque ».
b) Il y a cinq points.
c) « repartie ».

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