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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 décembre [1849], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon cher petit grand gredin, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Si tu n’as pas encore risqué ton nez hors de tes couvertures, je t’engage à ne pas le faire de longtemps à cause du froid de loup qu’il fait. Quant à moi, je me blottis le plus que je peux dans mon lit, ce qui ne m’empêche pas de grelotter de toutes mes forces. Cependant, il va falloir que je me lève malgré ma paresse instinctive car il faut que je sois prête à une heure pour vous attendre jusqu’à quatre. Aussi, je me dépêche en murmurant, bis. C’est aujourd’hui que la Suzanne fait son réveillon chez sa cousine. Je serai toute la soirée absolument seule. Je n’ose pas te dire de venir travailler auprès de moi parce qu’il n’est pas probable que tu le puissesa et que tu le veuillesb, mais je serai bien heureuse si tu trouvais moyen de le faire. C’est avec cette secrète espérance que j’ai refusé de dîner chez Eugénie et chez Montferrier. Tâche, mon petit homme, de venir après ton dîner si rien d’intéressant, relativement, ne te retient à la maison. Je serai chez moi seule avec un bon feu. Autrefois, vous n’auriez pas été si difficile à attirer, maintenant c’est devenu presque impossible. Pourtant, c’est la même Juju à quelques cheveux noirs près et c’est surtout le même cœur qui vous aime et qui vous adore.

Juliette

MVHP, Ms a8313
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « puisse »
b) « veuille »


24 décembre [1849], lundi soir, 10 h. ½

Je t’écris un petit bonsoir, mon adoré bien aimé, pour que ma nuit soita tranquille, sinonb heureuse, ce qui n’est possible qu’avec toi en chair et en os. Ton apparition a été bien courte, mon cher adoré, mais si peu qu’elle ait duré elle m’a rempli le cœur de joie et de reconnaissance. Il n’y a pas de spectacle qui vaille cette minute de bonheur. Pour l’avoir je renoncerais à tous les plaisirs convenus. J’ai été servie à souhait tantôt de ne m’être pas trouvée chez moi quand Émilie [1] y est venue. De cette façon j’ai pu m’abstenir sans désobligeance de sa première représentation. J’espère qu’elle n’aura pas le courage de redoubler demain avec Matildec di Shabran [2] et que je pourrai rester au coin de mon feu, ce que je préfère encore à tout ce qui n’est pas toi. En attendant, j’entends les concerts des ivrognes qui passent et qui hurlent sous mes fenêtres je ne sais quel refrain démocratique avec hoquetd social aussi peu agréable aux oreilles qu’à l’estomac. Pouah ! pour ces porcs RÉUNIS c’est à dégoûter du cochon pour la vie. Mais laissons ces gracieuses bacchanalese passer sous mes fenêtres et parlons d’autres choses. Je ferai ta commission, mon cher petit homme, ce ne sera pas de ma faute si je ne t’ai pas quelques bons renseignements pour ton pâté. En attendant je continue à m’en vouloir de ne pas t’avoir envoyé les trois oiseaux qui pouvaient le compléterf et le grossir. Décidément je suis une bête de Juju, ce qui ne m’empêche pas de t’aimer comme un chien, AU CONTRAIRE.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 359-360
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « sois ».
b) « si non ».
c) « Mathilde ».
d) « hocquet ».
e) « bachanales ».
f) « completter ».

Notes

[1La marquise de Montferrier, amie de Juliette Drouet.

[2Opéra en deux actes de Gioachino Rossini.

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