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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juillet [1849], dimanche matin, 10 h.

C’est encore moi, mon amour, c’est toujours moi, c’est trop moi. Je voulais te faire grâce de deux gribouillis sur quatre mais je reviens sur ma générosité et pour peu que je me laisse aller au sentiment peu délicat qui me pousse dans ce moment-ci, je suis capable de t’en accabler jusqu’à ce soir sans boire ni manger. Toi seul pourraisa conjurer cet orageb de gribouillis prêt à te crever sur la bosse en venant de bonne heure et t’en allant tard. Mais tu n’es pas si Toto pour venir très tôt et j’aurai tout le temps de céder à ma funeste inspiration. Tant pis pour toi et que mes pataquès retombent sur ta tête. Tu n’auras en somme que ce que tu mérites. Dans tout cela vous ne m’avez pas dit quelsc étaient les convives que vous régaliez ce soir. Je voudrais pourtant le savoir pour me rendre compte de la coiffure qui me siéra le mieux [1]. Je compte sur votre complaisante sincérité pour me renseigner à ce sujet et je vous promets d’avance toute ma reconnaissance et tous mes remerciements. Mais ce qui me toucherait encore plus ce serait si vous veniez de bonne heure et si vous restiez longtemps auprès de moi. Il me semble que je n’aurais rien à désirer et beaucoup moins de choses à regretter, si vous me donniez cette preuve d’am….ITIÉd. Allons mon Toto, un peu de courage au cœur et vous en viendrez à bout et je serai la plus heureuse des

Juju

BnF, Mss, NAF 16367, f. 207-208
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « pourrait ».
b) « orâge ».
c) « qu’elle ».
d) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.


22 juillet [1849], dimanche matin, 10 h. ½

N’est-ce pas, l’amour rend bien méchant, mon pauvre petit homme ? C’est toi qui l’as dit dans un moment où je ne t’accablais pas encore de mon gribouillis. Depuis, le mien, d’amour, n’a fait que croître en férocité et je me sens capable d’épuiser toutes les bouteilles à l’encre sans la moindre pitié pour toi et sans le moindre remordsa. C’est horrible à penser, mais cela m’est égal. D’ailleurs, je suis moi-même assez malheureuse pour ne pas songer au mal des autres. Tu peux juger de tout le bonheur qui me manque par l’étendue et le nombre de mes gribouillis. Si tu connais un moyen de te soustraire à cette calamité, je te permets de l’employer. Quant à moi, je n’en connais pas pour suppléer au bonheur qui me manque. Cher bien-aimé, si tu voulais pourtant, tu pourrais remédier à ce fléau épistolaire. Pour cela, tu n’as qu’à venir beaucoup et longtemps. Est-ce donc impossible à présent ? AUTREFOIS, cela vous était facile. Maintenant, vous ne pouvez plus rien pour moi, pas même me donner quelques bonnes heures bien longues de temps en temps. Et puis vous voulez que je sois gaie, que je sois heureuse ? Oh ! pour cela non, par exemple, je serai maussade et triste de toutes mes forces et méchante le plus que je pourrai.

Juliette

MVHP, Ms, a9050
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « remord ».

Notes

[1Juliette Drouet, qui n’est pas conviée au dîner donné par Victor Hugo, plaisante sur les cornes supposées que portent les femmes trompées.

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