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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 novembre [1845], dimanche matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon amour à moi, bonjour, toi, je t’aime. Je viens de lire la fameuse lettre [1]. J’en suis ravie. Je ne me serais pas consolée de ne l’avoir pas lue, car j’étais furieuse contre ce stupide impudent arracheur de dents. Il est bon que de pareilles outrecuidances soient châtiées comme elles le méritent, et j’avoue que Grimm a bien touché. Pour ma part, je l’en remercie cordialement. Bravo, Grimm ! Hardi, Grimm ! Fessez-moi ce grimaud jusqu’à parfaite crevaison.
Comment vas-tu toi, mon cher petit bien-aimé ? Es-tu Ri [2] ce matin ? Pauvre cher adoré doux et charmant, je t’aime. Mon cœur bat plus fort en t’écrivant ce mot : je t’aime. J’y mets toute mon âme, tous mes désirs et tout mon espoir. Je voudrais y entrer tout entière. Depuis ce matin je m’occupe de toi, je parle de toi, je pense à toi, je t’adore. Clairette marque tes chaussettes. Elle a voulu, elle aussi, lire la lettre de Grimm. J’avoue que je ne regrette pas mes 2 SOUS, AU CONTRAIRE. Tu sauras du reste que L’Époque [3] ne se VEND pas dans le quartier du Marais, mais se LOUE. J’avoue que cette fois, c’est justice et je me joins à tous les LOUEURS.......a de la lettre.
Baise-moi, je suis bête comme une oie, mais je t’aime. Je ne m’en plains pas, au contraire. Baise-moi encore et viens bien vite, je suis très pressée de te voir. À tout à l’heure Toto. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 135-136
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Sept points de suspension.

Notes

[1Le samedi 8 novembre 1845, le journal L’Époque publie une lettre de Grimm adressée à Victor Hugo en réponse à une lettre de Théodore Cogniard. Grimm défend le théâtre de Hugo que Théodore Cogniard ne veut plus programmer au Théâtre-Français : « Et cependant, vous le dirai-je ? J’ai relu à deux fois cette lettre pour bien croire à son existence ; il m’a fallu en épeler la signature syllabe à syllabe pour me rendre au témoignage de mes yeux ! Dès l’abord, a priori, comme dirait M. Cousin, votre collègue a la chambre des pairs, il me semblait impossible que M. Théodore Cogniard, le directeur s’attaquât à vous. […] Hélas ! vous savez, Monsieur, et vous mieux que personne ce que M. Théodore Cogniard a fait de ce théâtre. C’est aujourd’hui un théâtre sans nom, d’où la pirouette a chassé le vers, où le décor a tué la parole. On y célèbre à toute heure une littérature de toile peinte et d’entrechats ; on y montre une complaisance infinie pour les calembours au gros sel et les culbutes chorégraphiques ; on n’y fait voir d’enthousiasme que pour les drames de cours d’assises. »

[2À élucider.

[3L’Époque est un journal ministériel ultraconservateur fondé en 1845 par Adolphe Granier de Cassagnac qui en est également le directeur de publication. Il se veut complet, encyclopédique. Sa publication prit fin quinze mois après sa création.

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