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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 août [1842], mardi matin, 8 h. ¾

Bonjour mon cher petit Toto bien aimé. Bonjour, bonjour, sois heureux. C’est aujourd’hui jour de bonheur et de joie pour ton enfant, pour ta famille et pour toi [1]. Sois heureux, mon adoré, personne ne mérite de l’être autant que toi. J’espère que ta main continue à aller bien [2] et que notre petit malade [3] se dépêche à se guérir ! Ce sera aussi un bien beau jour pour moi que celui où je n’aurai plus rien à craindre pour vous deux, mes chers petits amis. En attendant, j’ai confiance dans le bon Dieu et je vous aime, mes deux petits amoureux. Je continue à avoir un affreux mal de tête. Je ne sais pas ce que cela va devenir mais je souffre beaucoup depuis hier au soir. Cependant, je ne veux pas que tu t’autorisesa de cela pour ne pas m’emmener avec toi sousb prétexte que ça m’a donné mal à la tête parce que ça n’est pas vrai ; et que rien ne me serait plus contraire et plus triste que d’être privée de la seule occasion que j’ai d’être avec toi et d’essuyer ton beau front. Sérieusement, mon Toto, tu me ferais un très grand chagrin si tu allais à tes fumigations sans moi. Baise-moi, toi, et tâche de penser à moi et de ne pas regarder les femmes tout à l’heure. Tâchez aussi de n’être pas longtemps à cette cérémonie et de revenir auprès de moi dès qu’elle sera finie. Vous savez, mon Toto, combien je suis seule et combien je vous aime. Vous devez savoir aussi combien je vous désire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 61-62
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « autorise ».
b) « sou ».


16 août [1842], mardi après midi, 1 h. ½

Sois heureux, mon bon ange. Sois béni dans tousa ceux que tu aimes. Pense à moi, mon cher adoré, si tu peux, plains-moi et aime-moi pour tout ce que je souffre et pour l’amour sans borne que j’ai pour toi. Au moment où je t’écris ces liges, sans doute on sonne la fanfare en l’honneur de Charlot et tous les yeux sont fixés sur toi, on t’envie, on t’admire. Eh bien moi, dans mon pauvre coin, je te bénis et je t’aime.
Dès que tous ces triomphes auront eu leur cours, viens me retrouver, mon cher amour. J’ai bien mal à la tête et je suis bien jalouse, deux affreuses infirmitésb à la fois. Il dépend de toi de me calmer et de me soulager. Pour cela il faut venir bien vite et ne pas s’en aller du tout. Hélas ! Si j’attends après cette panacée je cours grand risque de mourir enragée. Je te remercie, mon bon petit bien-aimé, d’avoir pensé à m’apporter du papier. Si j’avais été sûre de ta mémoire et pu croire que tu viendrais auparavant d’aller à la Sorbonne, je n’en aurais pas fait acheter. Enfin, c’est un petit malheur de DEUX SOUS, cela ne vaut pas la peine d’en parler. Ce qui ne m’est pas aussi indifférent, c’est que je vous aime de toute mon âme et que plus je vais et PIRE ça est. Je voudrais bien pouvoir en dire autant de vous mon cher petit chiragre [4].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 63-64
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « tout ».
b) « infirmitées ».

Notes

[1Excellent élève, Charles Hugo a remporté un prix qu’il recevra lors d’une cérémonie en Sorbonne à laquelle son père assistera. Les festivités auront lieu, d’après les lettres de Juliette, entre le 16 et le 18 août 1842.

[2Victor Hugo souffrait depuis plusieurs jours de goutte à la main, mais le docteur a annoncé sa guérison la veille, ce dont Juliette s’est réjoui dans sa lettre précédente.

[3François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire

[4Chiragre : personne souffrant de goutte à la main.

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