Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Août > 12

12 août [1842], vendredi matin, 8 h. ¾

Bonjour mon Toto bien aimé. Bonjour mon adoré petit homme, comment vas-tu ce matin, es-tu moins inquiet sur ton cher petit enfant [1] ? Me voilà obligée d’attendre jusqu’à tantôt, bien tard, pour savoir ce qui m’intéresse tant. Avoue que c’est une triste position que la mienne t’aimant comme je t’aime, de ne pas savoir minute par minute ce que tu fais, comment tu vas et si tu m’aimes. Dans les moments comme ceux-ci c’est doublement pénible. Tâche au moins, mon adoré, de te soigner [2] et de prendre avec suite ce nouveau remède que t’a donné M. Louis. Il me semble que tu aurais dû le prendre dès hier. Tâche aussi de ne pas trop t’inquiéter sur ton pauvre petit garçon qui n’est peut être pas aussi malade que tu le crois. Enfin mon bien-aimé, s’il te reste un peu de temps et de place tâche de m’aimer et de me le prouver en venant moins tard qu’à l’ordinaire. J’espère que Charlot se sera bien amusé hier. Je serai bien contente si le bon petit garçon malade va mieux aujourd’hui, ce pauvre petit bien-aimé. Je ne doute pas de la reconnaissance de et la joie que j’en aurais s’il pouvait se guérir tout de suite, dussé-je continuer à moi toute seule et toute la vie la fameuse subvention des pots chinois et des assiettes de Sèvres. Le pauvre petit, je crois qu’il ne demanderait pas mieux. Le bon Dieu devrait bien nous accorder ce que nous désirons tous si ardemment, la guérison de ce pauvre petit ange bien aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 45-46
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette


12 août [1842], vendredi après midi, 1 h. ¼

Je me dépêche de vous écrire, mon cher amour, parce que je veux finir vos mouchoirs avant que la bonne ait fait son savonnage. Je voudrais bien, mon Toto, que vous mettiez le même empressement à venir me donner de vos nouvelles. Malheureusement vous n’êtes jamais pressé pour cela ! Ceci est une pierre dans votre jardin. Jeté fort ADROITEMENT. Ia, Ia, monsire, matame, il est son sarme. Je vous ai fait changer votre odontine [3] pour de l’élixir. C’était la troisième fois qu’on y retournait pour la même chose. J’espère que ce sera la dernière. J’ai payé le coiffeur et Lafabrègue [4]. Il ne me reste plus de tout l’argent que tu m’as donné que les vingt francs du Didine. Demain ça sera l’ouvrière, enfin ça n’en finit pas. Je t’assure pourtant, mon cher bien-aimé, que je ne fais pas de folle dépense mais l’argent que tu me donnes est presque toujours dépensé à l’avance, c’est ce qui fait que je suis toujours à pleurer misère. Je voudrais pourtant bien ne pas te tourmenter. Je ne sais plus alors comment faire. Je voudrais être riche ou du moins pouvoir suffire à tous mes besoins. Je n’aurais pas le tourment de t’être à charge et la honte d’être inutile dans ce monde. Quand je pense à cela je suis tentée de m’enfuir à l’autre bout du monde. Mon Toto adoré, tu ne sauras jamais combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 47-48
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[2Victor Hugo souffre de goutte.

[3Odontine : « Opiat utilisé pour l’entretien des dents » (Grand Dictionnaire universel de Pierre Larouss).

[4Juliette paye normalement ses créancier le 10 de chaque mois

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne