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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 août 1845

6 août [1845], mercredi soir, 10 h. ¼a

Cher adoré bien-aimé, ma vie, mon bonheur, mon amour, mon pauvre bien-aimé, je t’envoie mon âme dans le baiser que je mets ici : b Prends-la et ne me la rends jamais. Je n’en sais que faire d’ailleurs et je [illis.] mon courage comme les pierres. Je t’en dirai de bonnes nouvelles, surtout pendant les huitc jours qui viennent de s’écouler.
Bonsoir, mon adoré, dors bien, il est temps. Il est l’heure de coucher les chers petits Toto malades. Avant de me coucher, j’ai voulu te dire un petit bonsoir bien doux, bien tendre et bien amoureux. Je ne pourrais pas dormir sans cela. Dors bien, mon adoré, dépêche-toi de te guérir que je puisse te baiser, te voir et te caresser à discrétion et à indiscrétion. Depuis huit jours que je suis [plusieurs mots illisibles] toi, je ne vis pas. Il me semble que je fais un rêve pénible dont toi seul peuxd me réveiller. Je n’ose pas penser que je ne te verrai pas avant vendredi et pourtant tu me l’as dit dans ta chère petite méchante bonne lettre [1]. Cette menace plutôt que cette promesse m’a rendue bien triste. Il a fallu que je me dise que c’était l’ordre du médecin et qu’il y allait de ta chère santé pour ne pas me révolter et pour ne pas t’accuser. Mais je te supplie, mon Victor, de mettre le temps bien à profit pour que je n’aie plus à souffrir de cette absence beaucoup trop prolongée. En attendant, je te baise, je t’adore, je voudrais souffrir à ta place et mourir pour toi.

Juliette

Mme Triger et son fils sont partis à [illis.] h. Ils [une ligne illisible].

BnF, Mss, NAF 16360, f. 114-115
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « (1845) » a été rajouté sur le manuscrit par une main différente de celle de Juliette.
b) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

c)« les huits ».
d) « peut ».

Notes

[1Victor Hugo a écrit à Juliette Drouet ce mercredi 6 août 1845 : « Mercredi – 2 h. ½ / Comment te dire à quel point je t’aime ! Tu as été adorable hier. C’est presque un bonheur pour moi de souffrir quand je suis soigné par toi. Ta parole est si bonne, ton regard si tendre et si charmant. Tu es bien l’ange, la douce vision céleste de ma vie. / Ma bien-aimée, sois tranquille. M. Louis est venu et a tout approuvé. Quand la douleur arrive à ces régions délicates, il faut y couper court, de peur que l’inflammation ne gagne d’une manière plus profonde et plus douloureuse. Nous avons très bien fait, je suis rentré sans le moindre accident, mais je ne sais si je pourrai sortir avant vendredi. M. Louis m’a mis presque à la diète, a jouté une boisson miellée, et prescrit les cataplasmes de 3 en 3 heures. / Du reste je vais bien, j’ai assez bien dormi, les sangsues ont peu coulé, le cataplasme apporté chaud m’a été d’un grand secours, toutes tes adorables précautions ont réussi et m’ont suivi et soigné dans ma solitude. Si je n’avais la tristesse inexprimable de ne pas te voir, je serais très bien aujourd’hui. / Je me réinstalle dans ma chambre afin d’être plus à portée des soins. Je suis descendu sans trop souffrir. Il paraît que je pouvais côtoyer une inflammation du bas ventre. La chose a heureusement avorté, grâce au parti rapide que nous avons pris. / Je te donne tous ces détails, je sais, ma bien-aimée, qu’ils t’intéresseront. Si tu étais malade (ce dont Dieu me garde !) ces petites choses seraient ma vie même. Mais ce que je veux te dire surtout, c’est que dans de pareils moments il me semble que mon amour pour toi, en essence si profond et si inaltérable, s’accroît encore. Tu mêles ta grâce exquise à une foule de petites attentions charmantes et maternelles. Ton beau visage hier m’a ému jusqu’aux entrailles quand je l’ai vu en larmes. Ô mon pauvre ange, je t’aime, va ! / Je te bénis, je baise tes mains et tes pieds. Tu as toutes les douces perfections comme tu as toutes les nobles vertus. Dors tranquille cette nuit. si je ne te vois pas demain, je t’écrirai. Mais tout va bien. Je t’adore. Pense à moi et aime-moi. Écris-moi. Que je trouve toutes mes lettres quand je reviendrai. » (édition de Jean Gaudon, p. 136).

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