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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 août 1845

5 août [1845 [1],] mardi après-midi, 4 h. ¾

Mon Victor adoré, je souffre trop de te croire coupable de déloyauté et, puisque je ne peux pas avoir l’explication instantanéea de l’incident d’hier, j’aime [mieux] croire aveuglément à ta probité que de souffrir plus longtemps. D’ailleurs c’est intolérable. Je ne peux plus y tenir. J’ai vu le moment où j’allais m’enfuir de la maison comme une insensée. N’est-ce pas que tu m’aimes ? N’est-ce pas que je te suis nécessaire ? N’est-ce pas que ta vie est attachée à la mienne comme la mienne à toi ? N’est-ce pas que tu m’es bien fidèle et que je suis une folle d’en douter ? N’est-ce pas que tu seras bien triste de m’avoir fait tant de mal involontairement et à ton insu [2] ? N’est-ce pas qu’il faut que je baise ton adorable petite lettre sans amertume [3] ? N’est-ce pas qu’il faut que je sois geaie  ? N’est-ce pas qu’il faut que je te porte, que je te sourisse  ? N’est-ce pas qu’il faut que j’aie soif  ? N’est-ce pas que tu auras un bel habit ? N’est-ce pas que tu es mon beau, mon noble, mon loyal Victor sublime et adoré ? Alors je te pardonne tout le mal que tu m’as fait. Je te pardonne d’avoir oublié mes gribouillis [4] à la condition que tu en seras très fâché et que tu te donneras des bons coups sur le contraire de ton nez. Seulement je reste toujours très fâchée de ne pas savoir quand tu viendras me voir. Si cela pouvait être demain. Le bon Dieu et toi vous devez bien ce dédommagement pour les vingt-quatre heures atroces que vous m’avez fait souffrir sans parler des autres.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 35616
Transcription de Gérard Pouchain annotée par Florence Naugrette

a) « instantannée ».

Notes

[1Dans le fichier BnF correspondant à l’année 1845, cette lettre est copiée à l’endroit où elle manque, avec la mention « Copie de lettre de Juliette Drouet à Victor Hugo provenant de la collection Alfred Dupont vendue à l’hôtel Drouot en décembre 1958 ». Les autres lettres du 4 août, écrites à d’autres moments de la journée, font écho à la plainte et au questionnement formulés dans cette lettre.

[2Les alarmes de Juliette sont justifiées : Hugo cherche à lui cacher le scandale qui le frappe, depuis qu’il a été surpris en flagrant délit d’adultère avec Léonie Biard.

[3La veille, Hugo lui écrit une longue lettre, publiée par Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 135. Il s’y plaint de ne pas avoir pu lui rendre visite plusieurs jours consécutifs pendant cette « nuit du cœur » où ils sont en ce moment, et y déclare : « Aujourd’hui je te verrai, et j’ai l’âme presque heureuse en y songeant, mais que ce sera court, et que ces instants-là sont peu de chose après ces éternelles journées qui se traînent sans lumière, sans soleil, sans bonheur, sans toi ! Il me faudrait de longues heures, de bien longues heures près de toi, mon ange, pour étancher un peu la soif que j’ai de te voir, de t’entendre, de te parler. / Attends-moi donc aujourd’hui, je viendrai peut-être de meilleure heure que l’autre fois, je continue d’aller bien. Oh ! quand serai-je tout à fait libre ! Quand pourrai-je reprendre cette douce habitude d’être à toi qui es ma vie ! Je t’aime, mon doux ange béni. »

[4Juliette laissait chez elle ses lettres dans une boîte, où Hugo les prenait. Mais il lui arrivait de les oublier, ce que Juliette interprétait comme un signe d’indifférence.

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