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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1838

30 avril [1838], lundi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé, comment vas-tu ? Penses-tu un peu à moi, et m’aimes-tu de toute ton âme comme je fais de toi ? As-tu un peu reposé cette nuit ? Je crains vraiment que tu ne finisses par succomber à la fatigue et au sommeil ; tu ne veux pas me croire, mon adoré, quand je te montre le danger, mais c’est cependant trop probable que tu tomberas malade si tu continuesa à travailler tous les jours et toutes les nuits comme tu le fais. Et qu’est-ce que je deviendrais, moi qui ai tant de peine à rester la moitié du jour sans te voir quand je te crois bien portant ? Je ne veux pas y penser, cela me rend trop malheureuse à l’avance. Je t’aime, mon Victor adoré. Je t’aime. Il fait bien beau aujourd’hui. Si tu veux nous sortirons pour acheter les peignes. Mais j’y pense, nous n’aurons plus assez d’argent ; la dépense de la maison depuis quatre jours, la blanchisseuse aujourd’hui, le vin de la bonne, tout cela a fait une brèche à ton argent. Je crains qu’il n’y en ait plus assez pour faire tous tes achats si tu n’en apportes pas d’autre. Quelle vilaine maison que la mienne, l’argent y fond comme du beurre et cependant je n’achète pas une aune de ruban qui ne soit strictement nécessaire à ma toilette. Tu sais si je dis vrai. Mon adoré, quand pourrai-je suffire à mes besoins pour t’empêcher de fatiguer tes pauvres beaux yeux et pour t’avoir toutes les nuits dans mes bras ? Je t’adore, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 96-97
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « continue ».


30 avril [1838], lundi soir, 5 h. ¾

Il paraît que vous m’avez tout à fait oubliée, mon Toto. C’est très mal à vous, car enfin quand vous verrai-je si vous ne venez même plus dans la journée ? Jourdain est venu prendre vos ordres et m’a donné en même temps les renseignements que vous vouliez avoir pour vous servir de l’amer de bœuf. J’ai la recette mais je ne vous la donnerai que si je suis contente de vous, en attendant je la garde pour moi. Je suis très vexée que vous ne soyez pas venu tout de suite après votre déménagement. Cela prouve bien que vous ne pensez à moi que par hasard et quand vous ne pouvez pas faire autrement. C’est gentil. Il paraît aussi que vous vous promenez tous les jours avec des hommes à longs cheveux et que vous êtes allé aujourd’hui au palais de Justice. Je vais vous demander des explications sur toutes ces allées et venues qui ne me paraissent pas claires du tout. À propos de Claire, j’attends la mienne ce soir, en supposant que Mme Lanvin pense à l’aller chercher. Je devrais bien ne pas vous aimer pour tous les mauvais traits que vous me faites, mais je ne peux pas me corriger de cet affreux défaut, l’amour. C’est bien malheureux pour tous les deux car vous êtes autant à plaindre d’être trop aimé que je le suis de ne l’être pas assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 98-99
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

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