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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 avril [1845], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, j’espère que tu vas bien et que tu es heureux ?
J’espère que Le Moniteur [1] s’est enfin décidé à publier cette promotion si universellement désirée et si impatiemment attendue ? Je l’espère et je m’en réjouis d’avance pour le plaisir que cela te fait ainsi qu’à tous ceux qui t’aiment et qui t’admirent.
J’ai la tête lourde et douloureuse ce matin. Il me semble que mon pauvre cerveau se noie dans des flots de sang. Je sens toutes mes pensées pesantes comme du plomb et j’ai toutes les peines du monde à en tirer une au dehors, même celle la plus insignifiante. Tu dois t’en apercevoir de reste, mon bien-aimé, et il faut ton excessive bonté pour ne pas me le montrer. Je te supplie, et cela très sérieusement et du fond de mon cœur, de ne pas lire ces informes gribouillis que je t’écris non pour que tu les lises, mais pour soulager d’autant le trop-plein de mon cœur. Tu me rendras service, car la pensée que tu t’imposesa cette lecture insignifiante et parfois ridicule me gêne et m’attriste. Si tu veux être doublement bon pour moi, ce sera de me laisser gribouiller tout ce que je voudrai et je mettrai dans un sac tous les jours toutes les sottises amoureuses qui me seront passées par la tête. De cette façon, tu n’auras pas l’ennui de fatiguer tes yeux pour rien et moi, je pourrai t’aimer bêtement et stupidement à mon aise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 65-66
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu t’impose ».


17 avril [1845], jeudi après-midi, 3 h. ½

Merci, mon bel ange, merci, mon Victor adoré, merci de tes douces et consolantes paroles. J’en avais besoin, car le petit nuage d’hier m’avait laisséea profondément triste et découragée. Mais depuis que je t’ai vu, depuis que je t’ai entendu, je sens la confiance et la joie renaître. Il me semble que mon cœur se dégage d’une main de fer et qu’il bat plus librement. Je respire, je vis, j’aime. Au besoin, je crois que je penserais. Je suis bien heureuse de tout ce qui t’arrive, mon adoré, je le suis surtout pour toi et pour les tiens, car pour moi, ce sera une privation et un sacrifice quotidien de plus. Mais tu es heureux, toi, c’est tout ce qu’il faut. Mon bonheur à moi est fait du tien. Par moi-même, je n’existe pas. Ainsi je suis heureuse, très heureuse de ton bonheur.
Je viens de recevoir le journal de Mme Luthereau. Je ne l’ai pas encore lu, mais j’ai écrit tout de suite à cette pauvre femme pour la remercier ainsi que son mari en ton nom et au mien. En même temps je lui apprends la nouvelle du Moniteur [2] qu’elle saura avant que ma lettre lui arrive, mais cela ne fait rien.
Je t’aime, mon Victor adoré. Je t’aime avec passion et avec adoration. Je voudrais mourir pour toi. Je voudrais ne voir, n’entendre et ne connaître que toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 67-68
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’avait laissé ».

Notes

[1Le Moniteur Universel annonce la nomination de Victor Hugo en tant que pair de France dans le numéro 107 daté du jeudi 17 avril 1845. En première page, dans la rubrique « Partie Officielle », on peut lire : « (...( Considérant les services rendus à l’État par M. le vicomte Hugo (Victor), membre titulaire de l’Institut, / Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Le vicomte Hugo (Victor), membre titulaire de l’Institut, est élevé à la dignité de pair de France. ».

[2Le Moniteur Universel annonce la nomination de Victor Hugo en tant que pair de France dans le numéro 107 daté du jeudi 17 avril 1845. En première page, dans la rubrique « Partie Officielle », on peut lire : « (...( Considérant les services rendus à l’État par M. le vicomte Hugo (Victor), membre titulaire de l’Institut, / Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Le vicomte Hugo (Victor), membre titulaire de l’Institut, est élevé à la dignité de pair de France. »

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