Guernesey, 15 février 1860, mercredi matin, 8 h.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, et tout à souhait pour ton corps, ton esprit et ton cœur aujourd’hui et toujours.
Comment as-tu passé la nuit, mon petit homme ? Bien, n’est-ce-pas ? Alors je peux vous sourire de confiance et vous aimer gaiment sans inquiétude. D’ailleurs le temps est moins féroce ce matin et je crois même qu’il commence à pleuvoir ce qui annoncerait le dégel. Du reste cela n’empêche pas la navigation car voici un packet [1] qui file à toute vapeur vers Jersey. Je nous voudrais dessus pour une grande expédition, fût-ce même sans vieux coffres et malgré la mauvaise saison pourvu que nous ne nous quittions pas un seul instant tout le temps qu’elle durerait. Je vous assure que je ne me ferais pas tirer l’oreille pour être prête au jour et à l’heure. En attendant ce bonheur qui ne reviendra jamais, je passe ma vie à vous aimer au coin de mon feu ce dont je ne me plains pas, AU CONTRAIRE, surtout quand vous venez vous y asseoir auprès de moi. Seulement je suis humiliée quandb par hasard (ce qui est rare) je m’endors devant votre lecture prolongée. Et pourtant à qui la faute ? Mère je ne vous pardonne pas mais je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 21
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « quant ».