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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1859

Guernesey, 23 mai 1859, lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon pauvre cher adoré ; bonjour dans toute la plénitude de mon amour, de mon admiration et de ma vénération pour toi, l’amant de mon cœur, pour toi, mon divin poète, pour toi, mon sublime martyr.
J’ai été et je suis encore bien malheureuse de t’avoir blessé hier si inconsciencieusement, mon ineffable bien-aimé. J’aurais voulu pouvoir t’ouvrir mon cœur pour te montrer qu’il est tout entier plein de toi, alors je me serais peut-être pardonné cettea absence d’esprit qui t’as attristé comme une marque d’indifférence et presque comme une offense. Ne le pouvant pas, j’ai souffert tout ce qu’on peut souffrir à travers la souffrance de l’homme qu’on aime plus que son propre bonheur, plus que sa propre vie à soi. Pour comble d’ironie et d’amertume, nous n’étions pas seuls.
J’espère bien aujourd’hui, mon bien-aimé, effacer sous mes baisers tout ce qui peut rester de tristesse dans ton âme. J’attends avec impatience le moment de te revoir. Jusque-là, je tâche de verser mes dernières larmes et de sécher mes yeux afin de pouvoir te sourire sans aucune restriction.
J’espère que tu as passé une bonne nuit, mon cher bien-aimé, et que ta pauvre tête est tout à fait dégagée. J’ai déjà regardé bien des fois ton cher petit lucoot, non dans l’espoir de te voir levé mais par attraction de mes yeux, de ma pensée, de mon cœur et de mon âme. Pourvu que tu aies bien dormi et que tu ne sois pas souffrant, mon cher adoré, je me croirai bénie de Dieu. En attendant, mes baisers épèlent ma chère petite lettre, quoiqu’ils la sachent depuis longtemps par cœur. Je voudrais la pénétrer de tant [de] tendresse et de tant d’amour afin que tous les mots qu’elle contient deviennent ardents et lumineux comme des rayons de soleil. Cher bien-aimé, je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé qu’à présent mais je t’aime à présent de tout mon être comme le premier jour où je t’ai vu et je sens que ce jour, qui a une date et un nom sur cette terre, sera le jour éternel dans le ciel pour nous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16380, f. 138-139
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « cet ».

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