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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 avril [1838], lundi matin 11 h. ¼a

Le beau temps redouble ma tristesse, car il me fait penser aux voyages des années précédentes et au peu de chance que nous avons d’en faire un cette année. Pourtant si tu le voulais bien, peut-être y souscrirais-tu. Ah ! si j’étais à ta place il faudrait que ce fût [bien ?] impossible pour tout le monde avant de l’être pour moi. Malheureusement je n’ai que la mission de souhaiter et de désirer, avec toute l’ardeur de mon amour, que ce voyage, quelque court qu’il soit, se fasse, et le plus tôt possible. Et Dieu sait comment je m’acquitte de cette fonction. J’userais, rien qu’à ce métier, dix boisseaux d’[amour ? avoine ?] ordinaire. Si je pouvais concevoir seulement une espérance prochaine, il me semble que j’aurais déjà une grande joie. Mais hélas ! cependant j’ai acheté une robe rien que pour forcer le bon Dieu à me la faire user sur les marches de ses clochers [où ?] je fais vœub d’aller jusqu’à la dernière marche la plus haute pourvu que ce soit autre part qu’à Paris. J’espère que si lui et vous restez insensibles à un pareil acte de ferveur et de courage vous êtes d’affreux bonshommes qui ne méritez pas l’amour et la confiance qu’on a pour vous.
Mon bon petit Toto chéri si tu veux, Dieu voudra, et je serai heureuse et je vous bénirai et je monterai à cheval sur les clochers de Coutances qui tremblent au vent de mer [1], et je tomberai par terre et je me casserai le nez et je serai très heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 2-3
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) On lit, après cette heure, « (1838) ». L’écriture n’est pas celle de Juliette.
b) « veux ».


2 avril [1838], lundi, midi ½

Merci mon bien-aimé, merci d’être venu me voir ce matin, merci de ta tendresse, merci de ta douceur, merci, tu vaux mieux que moi mais moi je t’aime plus. Je suis malade comme un chien ce matin. Je ne sais pas si j’aurai le courage de me lever. Il fait bien beau temps aujourd’hui, c’est bien dommage que nous ne puissions pas en profiter. Si quelque chose avait pu me guérir et me sortir de l’apathie dans laquelle je suis, c’était d’aller promener avec toi bien loin, bien loin, et de dîner ensemble dans un vrai cabaret. Malheureusement ça ne se peut pas, tu as tes affaires, nous sommes pauvres, etc., etc. Je croyais que tu serais allé ce matin à l’enterrement de Mme Bertin ? Peut-être n’est-ce qu’à présent ? Dans tous les cas où tu irais, pense à moi et crois-moi fidèle car rien n’est plus vrai. Je suis triste et malade, je t’aime, mon Victor, prends garde d’avoir froid, il fait si vilain. Le soleil et le vent, il n’y a rien de plus dangereux pour toi qui marches vite et qui transpiresa facilement. Prends bien garde. Je t’adore, pense à moi et crois-moi bien une honnête et fidèle femme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 4-5
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « marche », « transpire ».

Notes

[1Le 30 juin 1836, à Saint-Jean-de-Daye, Victor Hugo écrivait à sa femme : « J’ai quitté hier les admirables clochers de Coutances qui tremblent au vent de mer (ceci sans la moindre exagération). »

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