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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juin 1844

26 juin [1844], mercredi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon petit homme chéri. Je suis bien malheureuse, va. Si tu ne me plains pas, c’est que tu ne sais pas à quel point je t’aime. Mais depuis que les chaleurs ont commencéa je ne peux pas veiller tard toute seule, je me donne des maux de tête affreux sans pouvoir y parvenir. Aussi, juge de mon chagrin puisque je manque par-là les seules occasions que j’ai de te voir. Ça n’est vraiment pas vivre et je veux absolument trouver un remède à cet engourdissement qui me prend maintenant régulièrement, quand je suis seule à 11 h. du soir. Je ne peux pas passer ma vie sans te voir, c’est impossible, et puisque je ne peux te voir qu’à l’heure où je dors je veux me réveiller n’importe à quel prix.
Pauvre bien-aimé, il me semble que tu n’as pas bien soupé. Tu as tout laissé même les fameuses fraises. Est-ce que tu étais malade ? Ou si tu ne les asb plus trouvéesc bonnes ? Si j’avais été là au lieu de dormir comme une souche, j’aurais su ce que tu avais et je n’en serais pas à me tourmenter maintenant en t’attendant. Je m’en veux comme un chien de ma stupide somnolence. Si je m’appartenais, je me ficherais des coups depuis le matin jusqu’au soir. Ou je vous en ficherais bien un peu aussi pour vous apprendre à venir si tard. Car enfin, c’est votre faute. Justement vous voici. Déjà parti ! Ma vie, mon âme, ma joie, mon bonheur. Pense à moi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 195-196
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « commencées ».
b) « a ».
c) « trouvé ».


26 juin [1844], mercredi soir, 6 h. ¾

Mon pauvre bien-aimé, je tâche de me faire du courage et de la résignation en pensant à toi, en me rappelant ton charmant sourire, ta douce petite voix, toute ta divine petite personne ; mais loin de me donner cette résignation et ce courage dont j’ai tant besoin, cela ne fait qu’aiguillonner davantage le désir et le besoin que j’ai de te voir. Je suis bien malheureuse car, quelque chose que je fasse, je ne fais qu’augmenter mon amour et, par conséquent, redoubler mon impatience. Je ne sais pas ce que je deviendrai si je ne te vois pas ce soir. J’ai déjà un mal de tête affreux que la crainte de ne pas te voir irrite encore davantage.
J’ai vu tout à l’heure cette bonne Clémentine qui pouvait à peine se traîner tant elle est faible encore. Je lui ai dit combien tu avais montré de sollicitude pour elle ; la pauvre bonne fille m’en a remercié les larmes aux yeux. J’ai envoyé aussi chez Claire pour prendre une lettre que je lui avais dit d’écrire à sa tante [1] ; en même temps, elle m’a écrit une petite lettre charmante dans laquelle elle me prie de te dire bien des bonnes choses. Du reste, les fraises ont fait fortune à la pension où elles ont été fort goûtées. Je voudrais savoir si elles ont eu le même succès auprès de messieurs les gamins et sous-gamins [2]. Je te garde le reste. Je veux que tu les finissesb. J’aurais même voulu te les faire toutes manger si cela avait été possible. Cela m’aurait semblé bien meilleur dans ton petit bec que dans ma grande bouche. Je t’aime, qu’on vous dit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 197-198
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « ou ».
b) « finisse ».

Notes

[1La sœur de Juliette, René-Françoise Gauvain.

[2Jeu avec les titres de « maîtresse » et « sous-maîtresses » donnés aux enseignants et surveillants de la pension.

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