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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1844

30 avril [1844], mardi matin, 9 h.

Bonjour mon petit Toto adoré, bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour, bonjour, je t’aime. Ô oui, va, je t’aime, c’est bien bien vrai. Je continue d’avoir la tête comme une pomme cuite, ça n’est pas ma faute. Mais je tâcherai d’être moins grognon et moins méchante aujourd’hui que les autres jours. Il n’est pas juste que tu pâtissesa de mes infirmités. Et d’ailleurs, c’est tout à fait contre l’intérêt bien entendu de mon amour car il est bien difficile d’aimer une femme aussi peu aimable que je le suis, et je ne pourrais pas vivre sans ton amour.
Depuis quelque temps, j’ai un affreux intérieur et un extérieur de maison. Je ne sais où me fourrer pour me garantir de la saleté, de la poussière, des guenilles et du bruit. Si cela devait durer longtemps, je ne sais pas ce que je deviendrais. Ajoutes-y les cris de Cocotte, c’est pour en devenir folle sur la place. À propos de cette Cocotte, il faut absolument que tu m’en débarrassesb : je n’ai pas assez de patience pour l’instruire et pour écouter ces cris. Dédé sera probablement plus courageuse que moi. D’ailleurs, elle est si douce que cela la charmera. Et puis, mon cher amour, je vous aime et je ne suis pas méchante.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 95-96
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « tu patisse ».
b) « tu m’en débarasse ».


30 avril [1844], mardi soir, 6 h.

Croirais-tu, mon cher bien-aimé, que les fumistes ont seulement fini leur ramonage tout à l’heure ? Tu pensesa dans quelle poussière et dans quel aria [1] cela m’a tenue toute la journée. Encore si c’était tout mais j’ai encore à subir le colleur de papier, les tapissiers, etc., etc. Je voudrais être hors de tous ces tracas pour te recevoir dans une chambre à peu près propre. Je crois aussi que cela contribue à entretenir mon mal de tête. J’en ai un ce soir à en crier si j’osais. Merci mon bel ange, merci mon adoré, d’avoir soustrait ce beau livre [2] à ta pauvre Dédé. En échange, je lui donne Cocotte ce soir même. Je voudrais avoir plus de mérite à ce cadeau, quoique, cependant, criaillerie à part, elle me tienne fort au cœur. Mais je suis sûre qu’elle fera grand plaisir à cette bonne Dédé à cause de sa douceur. C’est comme moi avec toi, tu m’aimes, non pas pour mon ramage, mais pour ma DOUCEURb. Voime, voime, c’est bien vrai, à côté il y a de la place. Baisez-moi tout de suite. Ou craignez ma DOUCEUR. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 97-98
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « tu pense ».
b) Le mot est grossi jusqu’à occuper toute la ligne.

Notes

[1Aria : embarras, tracas, affaire.

[2À élucider.

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