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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 avril [1844], samedi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon petit Toto chéri, bonjour, je t’aime. Est-ce que je ne te verrai pas un peu plus aujourd’hui qu’hier ? Pauvre adoré, je sais bien que tu travailles mais j’ai bien besoin de te voir. Plus je vais en avant et plus j’ai besoin de te voir. Cette nuit je n’aurais pas éteint ma lampe et j’aurais résisté au sommeil si je n’avais pas espéréa que tu viendrais le matin déjeuner avec moi. Il n’y avait pas un quart d’heure que je l’avais éteinte lorsque tu es venu. Je l’ai regretté plus que je ne peux te le dire parce que c’est cause que tu t’es en allé tout de suite dans la crainte de me réveiller. C’est si dommage, en effet, de m’empêcher de dormir comme une souche que je comprends ta délicatesse. Voime, voime, mais je suis furieuse contre vous et contre moi quand cela arrive ; je n’ai pas besoin de faire du lard, j’ai besoin de faire l’amour, ce qui n’est pas la même chose. Une autre foisb, je rallumerai la lampe et je vous forcerai à me donner ma pauvre petite heure de bonheur. Vous serez furieux, mais moi, je serai la plus heureuse des femmes, c’est tout ce qu’il faut. En attendant, je me passe de vous, ce qui n’est pas très gai ni très drôle. Baisez-moi, mon Toto, et n’oubliez pas que je vous ai à peine vu hier. Je t’aime, mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 85-87
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « espérer ».
b) « une autrefois ».


27 avril [1844], samedi soir, 6 h. ³∕₄

Vous voyez bien, mon cher amour, que de quelque façon que vous vous y preniez, vous êtes un monstre de scélératesse et de trahison. Vous saviez très bien depuis plusieurs jours que vous iriez aujourd’hui chez vos petites toupies [1] de Saint-Denis, c’est pour cela que vous m’avez fait éplucher votre tête hier et que vous vous êtes parfumé comme un sachet ce matin. SACHEZ que je m’aperçois de toutes vos petites rubriques et que je ne suis pas la dupe de ces prétendues improvisations de visites, d’excursions, de dîners et autres blagueries du même genre. J’avais très envie d’aller me promener sans cérémonie dans l’îlea de Saint-Denis pour voir un peu si j’y étais et comment se comportent les chanoinessesb de l’endroit. Rendez grâce à mon pied qui ne veut pas faire un pas. D’ailleurs, j’attends mes fleurs. Justement, les voici. Avec une petite rallongec de TROIS SOUS, j’ai eu deux pots de fleurs au lieu d’un. Je n’en suis pas très désespérée, je vous prie de le croire, mais ce qui me contrarie plus que je ne le saurais le dire, c’est la nécessité d’acheter du papier en détail. Voilà depuis un mois près de vingt sous de perdu à ce métier-là. Convenez que vous êtes stupide et n’en parlons plus. Baisez-moi, monstre d’homme, et soyez-moi fidèle ou je vous tue.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 87-88
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « yle ».
b) « les chanoinesse ».
c) « ralonge ».

Notes

[1Toupies : femmes de mauvaise vie.

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