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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 avril [1844], mardi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé. Bonjour, mon cher petit homme adoré. Bonjour, mon doux, mon charmant, mon ravissant petit homme, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu ? Comment vont tes beaux yeux, comment va toute ta chère petite personne adorée ? Te verrai-je bientôt ? Tu me combleras de joie si tu peux extraire de ton travail et de tes occupations un moment pour venir me voir. Je t’aime.
Je te dirai, mon pauvre ange, que je viens de faire un accident hideux. J’ai renversé mon encrier sur mon lit. Heureusement que mon encre était de la boue, ce qui fait qu’elle n’a pas pénétréa jusqu’à mes couvertures. Mais je n’en suis pas moins barbouillée et vexée comme une dindonne que je suis. À partir d’aujourd’hui, je ne veux plus écrire dans mon lit. Cette paresse m’a trop mal réussi ce matin. Je suis agacée et hébétée par les cris de cette petite Cocotte ; décidément, je crois être sûre que je ne peux plus la garder. Dédé sera peut-être moins nerveuse que moi ; et puis, elle est si douce que cela la ravira au moins pour un moment. En attendant, la petite scélérate profite de son reste pour me déchirer les oreilles. Crie, crie donc, vilaine cocotte.
Baise-moi, mon Toto, et tâche de venir me consoler de toutes mes infortunes. J’ai bien besoin de te voir pour me redonner de la patience et du calme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 49-50
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « pénétrée ».


16 avril [1844], mardi soir, 5 h. ³∕₄

Je viens encore de faire acheter du papier, mon cher petit homme, vous voyez bien que vous n’avez pas le sens commun de ne pas en acheter tout de suite une provision. Depuis quinze jours, voilà à peu près dix sous de perdus ; avec ces dix sous-là, j’aurais eu un beau pot de fleurs ou le quart d’une botte d’asperges. Voime, voime, Toto est une bête.
Je t’aime, mon Victor chéri. Je tâcherai d’être bien raisonnable. Si tu ne viens pas avant cette nuit, je me dirai que tu comptes avec Bernard, que tu penses à moi, que tu me plains et que tu m’aimes. Cela me donnera des forces et du courage pour t’attendre.
J’ai reçu une lettre de Claire qui me dit de ne pas l’envoyer chercher avant dimanche parce que le frère de Mlle Delisle doit venir l’interroger et l’examiner samedi. Je voudrais que la pauvre enfant fût en état de passer son premier examen tout de suite. Cela l’encouragerait d’autant et ce serait aussi un acheminement à une indépendance que je brûle de lui voir dans l’espoir de te soulager de ce surcroît de charge que son père t’a si généreusement mis sur les bras depuis quatre ans [1]. Nous saurons dimanche ce que ce monsieur lui aura dit. D’ici là, je vais bien t’aimer et bien te désirer, mon adoré. C’est mon occupation de tous les instants.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 51-52
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire prépare l’examen pour devenir institutrice, qu’elle ne réussira jamais

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