Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1844 > Mars > 30

30 mars 1844

30 mars [1844], samedi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon cher petit amour, bonjour, je vous aime. Il fait un temps ravissant, ceci combiné avec votre ragoûtant sirop doit vous guérir votre chère petite poitrine dans un temps très court. En attendant, je vous souhaite bien du plaisir à ce métier-là. Je m’en souhaite aussi pour mon compte mais pas par le même moyen malheureusement. J’ai besoin pour l’avoir d’un auxiliaire qui ne s’y prête pas beaucoup. Vous le connaissez et vous savez si j’ai raison de ne pas compter sur lui. J’aurais plus de chance à tirer le diable par… son appendice vertébral. Voime, voime, c’est bien vrai. Taisez-vous, vilain Toto, je ne vous crois pas.
Je vous fais penser, avant qu’il ne soit trop tard, que je n’ai plus qu’un cahier de papier. Vous savez, mon amour, que je le paie en détail plus du double que celui que nous achetons à la rame ? Il serait utile d’en acheter la première fois que nous sortirons, c’est-à-dire qu’il faut se hâter de sortir. Aujourd’hui il fait trop beau et puis vous n’avez pas le temps. D’ailleurs, j’ai moi-même mon peignage à fond que je ne remettrais pas pour toutes les sorties du monde. Crois cela et bois de l’eau, tu n’iras pas de travers. Je te conseille de ne pas t’y frotter si tu ne veux pas être pris au mot tout de suite. Baise-moi, je t’aime, tu le sais trop bien scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 347-348
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette


30 mars [1844], samedi soir, 6 h.

Je t’attends, mon Toto, je te désire, mon Toto, je t’aime mon Toto. Voilà l’emploi de ma vie depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. Une fois que j’ai tourné dans ce cercle et que j’ai dit ces trois mots : attendre, désirer, aimer, tout est dit et fait, je n’ai rien autre chose dans mon sac. C’est un peu monotone mais je n’y peux rien à mon grand regret.
J’ai envoyé Suzanne savoir des nouvelles de cette pauvre Mme Pierceau et t’acheter des pavots à la halle, en même temps, parce que tu n’en as plus et qu’il y a plus du double de bénéfice à les acheter en gros, c’est absolument comme pour le papier. Ce soir je ferai ta cravatea et je te la repasserai. Voilà les projets de ma soirée. Ça n’est pas très piquant.
Je sens que je suis bête comme une oie. J’ai si peur de me laisser aller à quelque bonne impatience, à quelque extravagante boutade que je me retiens au point de ne dire que des platitudes et des niaiseries. Vous devez m’en savoir gré car ce n’est pas l’envie d’être méchante qui me manque, je vous en réponds. Baisez-moi, monstre d’homme, et aimez-moi ou je vous tue avec mon grand couteau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 349-350
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « cravatte ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne