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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1844

23 mars [1844], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit homme. Comment vas-tu ce matin ? Je vais te faire de la tisanea dès que je serai levée et te faire acheter du sirop. Ne t’inquiète pas de ce crachement de sang, mon amour, parce qu’il ne vient pas de la poitrine mais de la gorge. Tu prendras un peu de cette tisanea aujourd’hui, cela te calmera. Quantb à moi je suis toute mal à mon aise ce matin, le mal de tête ne m’a pas quittéec. Il faut que ce soit pour cette pauvre mourante [1] pour que je trouve le courage de me lever. Dans toute autre circonstance je serais restée dans mon lit à attendre ma fille. Mais je tiens à rendre ce dernier devoir à cette pauvre femme qui m’a été si bonne et si attachée depuis que je la connais. Je ne veux pas insister sur la triste position de cette pauvre femme car nous avons nous-mêmes trop de douloureux souvenirs dans notre vie….
Je vais donc voir ma grande Clairette tantôt. J’espère qu’elle ne sera pas malade. Elle a déjà beaucoup trop de ces maux de tête et d’estomac. Je voudrais bien que la mère Lanvin puisse la conduire chez son médecin demain. Si on pouvait la débarrasser de cette affreuse infirmité qu’elle tient de moi, ce serait bien heureux. Quantb à ton projet [2], mon cher petit homme, il est charmant s’il est réalisable. Ce n’est pas de moi que viendra l’obstacle comme tu le pensese bien d’avance. Te voir, n’importe en quel temps, n’importe à quelle heure, c’est le bonheur suprême. Aussi, si tu peux arranger ta vie chez toi comme tu me le disais hier, ce serait charmant. Mais, hélas ! J’en doute. En attendant, je t’adore et je te désire plus que jamais. Je baise tes chères petites mains et tes ravissants petits pieds. Tu es mon Toto toujours plus adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 321-322
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « quand ».
c) « quitté ».
d) « pense ».


23 mars [1844], samedi soir, 7 h.

Quel dommage, mon Victor bien aimé, que tu n’aies pas pu dîner avec nous. La joie serait complètea, car vraiment, mon Victor bien aimé, c’est bien vrai que je ne peux pas éprouver de bonheur si tu ne le partages pas. Cependant je ne veux pas dire que je suis insensible à la joie et au bonheur de ma grande fillette [3]. Pauvre enfant, ce serait monstrueux. Elle est ravie ce soir, son père a été bon pour elle. Elle a pu m’acheter des fleurs et puis dans quinze jours elle passera son examen préparatoire. Tout cela anime son visage d’une gaieté charmante et puis elle nous aime bien sincèrement j’en suis sûre maintenant. Mais je te le répète, mon adoré, tout cela serait bien plus doux si tu étais là pour partager cette petite fête de famille.
Je me suis permisb de faire une débauche d’huîtres en ton nom et à tes frais. Ce que je ne gagne pas en fauteuil, je le reprends en boustifaille. Voilà mon chic à moi et je le trouve bon. Je t’aime, mon Victor, je t’aime plus que tout plein mon âme. Je t’aime plein la terre, plein le ciel, plein les étoiles et plein Dieu. Je t’aime, je t’aime. Voilà la maladie dont je mourrai. Tu verras cela peut-être bientôt. D’ici là je fais tout pour ne pas me guérir et je baise tes quatre petites pattes blanches.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 323-324
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « complette ».
b) « permise ».

Notes

[1Mme Pierceau, gravement malade, décède le 20 avril 1844.

[2À élucider.

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