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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 mars 1844

5 mars [1844], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher petit homme adoré, comment vonta ton rhume et ta gorge ? Comment vont tes entrailles ? Comment va ton cœur ? Comment va ton petit Toto bien aimé [1] ? Je t’aurais dit un bonjour bien plus matinal si je n’avais pas été occupée une partie de la nuit et de la matinée à une hideuse et dégoûtante chasse aux punaises.
Je ne sais vraiment pas ce que je deviendrai cet été pour peu que cela continue. J’ai eu en outre de très grands maux d’estomac mais tout cela n’est rien si toi et ton enfant vous êtes bien et si tu m’aimes. Tant que je ne t’aurai pas vu je serai tourmentée et malheureuse. Tâche de venir le plus tôt possible, mon bien-aimé, pour me tranquilliser et pour me donner un peu de joie. Je voudrais bien aussi que tu pensasses à m’apporter la botte [2]. Je crains que Dabat ne vienne et que tu ne me l’aies pas encore apportée. Ce n’est pas la crainte de le faire revenir ou d’y envoyer ma servante qui me préoccupeb, c’est la pensée que tu as les pieds mouillés, que tu souffres et que chaque jour de retard peut compromettre ta santé très sérieusement. Voilà pourquoi je te suppliec, mon adoré, de m’apporter cette botte aujourd’hui même, si tu peux y penser. En attendant, soigne-toi, mon cher bien-aimé, ne joue pas avec ce rhume. Pense à ce que je deviendrais si jamais tu étais assez malade pour prendre le lit. Je n’ose pas y penser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 253-254
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « va ».
b) « préoccupe ».
c) « suplie ».


5 mars [1844], mardi soir, 6 h. ¾

Je t’attends, mon Toto adoré, je t’attendsc’est trop peu dire, je te désire de toute mon âme, voilà ce qui est vrai. Je t’ai vu une seconde tantôt mais cette seconde, loin de calmer le besoin que j’ai de te voir, n’a fait que l’irriter encore davantage. Pauvre amour, tu as un rhume affreux. Il aurait fallu te tenir chez toi et ne pas sortir et c’est précisément tout le contraire que tu auras fait. D’abord tu avais le prétexte de l’Académie et il ne t’en faut pas tant pour te croire obligé de faire quinze lieues à travers Paris. Enfin, mon pauvre amour, si d’un autre côté tu trouves que cela facilite ton travail sans nuire à ta santé je n’ai rien à dire. Toi seul esa juge de cela. Je voudrais seulement qu’à travers toutes tes courses tu relayasses un peu plus souvent rue Saint-Anastase [3]. Ce n’est pourtant pas très exigeant. À propos, mon adoré, il faut que je te dise pendant que j’y pense, que tu m’as donné dans l’argent d’hier une pièce de dix sous. J’avais bien envie de n’en rendre compte à personne mais la probité l’emporte sur la cupidité. Voilà ce que c’est que d’être pauvre mais honnête, on se croit obligé à ces restitutions-là. Décidément, ce n’est pas très lucratif. J’aimerais autre chose. Jour mon cher petit o, je vous aime avec rage. Si vous croyez me lasser en ne venant pas, vous vous trompez du tout au tout. Je suis plus endiablée de vous que jamais. Méfiez-vous car je suis capable de tout et de bien autre chose.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 255-256
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « est ».

Notes

[1Référence à François-Victor, fils cadet de Victor Hugo.

[2Juliette a fait faire une paire de nouvelles bottes à Victor Hugo auprès de Dabat. Or, la botte droite ne lui va pas et Dabat doit la refaire.

[3Adresse de Juliette Drouet.

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