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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 janvier [1844], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon adoré petit homme. Bonjour mon bon bien-aimé. Bonjour je t’aime. Je ne suis plus méchante, je crois que tu m’aimes. Je ne serais plus triste si je pouvais te voir. Mon bien, bien-aimé, tu es ma joie et ma vie. Comment vas-tu, mon Toto, ce matin ? As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Moi je vais mieux mais je crois que je le dois à la suppression de mon cataplasme. Cette nuit je souffrais beaucoup et il me semblait que cela tenait au cataplasme. Je l’ai ôté et je me suis sentie soulagéea et j’ai pu dormir jusqu’à présent. Je crois que cette humidité irritait encore cette partie-là davantage. J’en essaierai encore cette nuit, je verrai si je ne me suis pas trompée.
Que tu as été bon hier, ineffablement bon, doux, tendre et charmant, mon Toto. Dans ces moments de bonté suprême ta belle figure rayonne comme celle d’un ange. Tu es beau, d’une beauté surhumaine. Mon Victor adoré sois béni dans tous ceux que tu aimes.
Clairette travaille avec ardeur ce matin. On sent qu’elle a le désir d’arriver [1]. Pauvre enfant ce sera un grand bonheur pour elle le jour où elle pourra se suffire et une grande sécurité pour moi. Elle est vraiment bien gentille auprès de moi, il est même impossible de l’être davantage. Et puis je l’aime de t’aimer. Et elle t’aime vraiment à présent, je le sens dans tout ce qu’elle dit, dans tout ce qu’elle fait, dans tout ce qu’elle pense. Il y a en elle maintenant une admiration sans borne, une reconnaissance profonde et une affection sincère pour toi. Aussi je l’aime ma pauvre fille deux fois plus depuis qu’elle t’aime. Je ne sais pas comment je te dis tout cela. Je te le dis au hasard mais c’est bien sincère.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 19-20
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette
[Massin]

a) « senti soulagé ».


6 janvier [1844], samedi soir, 6 h.

Hélas ! Mon cher petit bien aimé, vous voyez bien que vous ne venez pas. Vous en êtes témoin. J’ai beau vous prier, vous avez beau me promettre, vous n’en venez pas plus vite pour ça. Vous êtes un très vilain et un très méchant Toto, voilà ce que vous êtes malgré vos belles dents blanches, vos yeux si doux et vos séduisantes petites façons d’être. Il faudra que je tâche de vous aimer moins, cela fait que votre absence me sera moins insupportable et que je ne serai pas jalouse des baisers donnés à Mme Guérard et autre Clara plus ou moins Clémentine de Clément de Ris [2]. Voime, voime, tâche ma pauvre Juju et tu verras comme c’est facile de se dépêtrer d’un amour comme le tien, tu m’en diras des bonnes nouvelles.
À propos de bonnes nouvellesa, ma lampe ne veut plus aller du tout et ma bougie m’éclaire tout juste assez pour ne rien voir du tout. Je ne sais pas ce que je vais devenir avec ce hideux système d’éclairage et mes mauvais yeux. Je ne parle pas des tiens quoique ce soit d’eux d’où me vient la véritable lumière parce que tu restesb si peu chez moi et tu y viens si rarement que cela ne peut pas te faire de mal à ce point de vue là et avec la chandelle qui ne m’éclaire pas, je trouve que vous avez raison de ne pas venir davantage. Voime, voime, mais au point de vue plus drôle de l’amour, je trouve que vous êtes un scélérat de ne pas venir plus souvent et que vous mériteriez les derniers supplicesc. Pour commencer, venez que je vous baise à mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 21-22
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « nouvelle ».
b) « reste ».
c) « suplice ».

Notes

[1Claire prépare l’examen d’institutrice.

[2Catherine-Clémentine Tarterat Clément de Ris est la fille adoptive du sénateur Dominique Clément de Ris (1750-1827) dont l’enlèvement orchestré par Fouché inspira à Balzac son roman Une ténébreuse affaire. L’expression employée par Juliette reste à élucider.

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