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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 décembre [1843], lundi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher cher bien-aimé. Comment vont tes pauvres yeux ce matin ? Comment m’aimes-tu, mon Toto ? J’ai rêvé de toi toute la nuit mon cher bien-aimé. Pauvre adoré que Dieu te bénisse et te préserve de tout mal.
Ma fille est partie ce matin avant huit heures. Bien m’avait pris de me réveiller à sept heures pour faire lever la servarde et elle car sans cela elle n’aurait pas été prête. Elle est repartie en me faisant des bonnes promesses qu’elle me tiendra plus ou moins, trop heureuse encore qu’elle y apporte une grande bonne volonté d’intention.
Je continue à n’être pas très contente de Mme Marre. Il est impossible de mettre moins de bonne grâce, moins de convenance et moins d’obligeance que cette femme n’en met dans ses relations avec moi et pour tout ce qui regarde ma fille. Enfin, elle y est, il faut qu’elle y reste parce que rien ne serait plus fâcheux que de la changer de pension dans ce moment-ci. Mais je n’en suis pas moins blessée des procédés revêches de cette femme. Quelle différence avec sa sœur, la bonne Mlle Hureau ! Celle-ci est la douceur, la simplicité et la bonté en personne ; l’autre est la roguerie, le pédantisme et la sécheresse en chair et en os. Je me garde bien de laisser voir mon opinion sur cette dernière à Claire parce que déjà elle l’a trop dans le nez, ce qui est très fâcheux pour elle. Mais je sais ce que je sais et ce que je sens.
Il sera dit, mon pauvre adoré, que je t’écrirai toujours des billevesées indifférentes pour toi tandis que j’ai le cœur plein d’amour et d’adoration. Je te demande pardon, mon pauvre ange, de mêler à des paroles d’amour des détails de maison qui ne t’intéressent pas. Mais bien souvent je le fais pour remplir des pages et ne pas laisser le temps et la place à des choses profondément tristes et douloureuses de sortir. Ce matin par exemple et à l’heure où je t’écris j’ai le cœur plein de tristes souvenirs. Je voudrais pleurer sur tes pieds, je voudrais mourir pour t’empêcher de souffrir. Ô je t’aime mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 125-126
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


4 décembre [1843], lundi soir, 5 h. ½

Merci, mon pauvre ange doux, merci tu es bon, tu es indulgent, tu es adorablement doux et charmant. Mais j’ai été une vieille méchante, ce soir, mais c’est que, vois-tu, la nature me joue souvent des vilains tours. Elle me rend toute nerveuse et toute malingre ; elle ne se contente pas de m’endolorir tout le corps, elle s’attaque encore à l’âme, ce qui fait que je ne sais où me fourrer et que devenir. Tantôt, j’étais dans un de ces excès-làa, j’aurais donné tout au monde pour trouver une diversion à l’humeur noire qui m’emplissait le corps, l’esprit et le cœur. C’est pour cela, mon cher adoré bien-aimé, que je t’ai presque tourmenté pour me mener chez la mère Pierceau et pour m’y laisser une partie de la soirée. Le jabotage m’aurait probablement soulagée. Parler de toi c’est un bonheur aussi. Mais, mon cher bien-aimé, je comprends, que de reste, que tu ne te sois pas trouver libre de satisfaire ce petit besoin ou ce petit caprice, comme tu voudras l’appeler, juste au moment où je te le demande. Je regrette même d’avoir tant insisté auprès de toi. Ordinairement je suis plus raisonnable n’est-ce pas ? Je te demande pardon pour ce soir, c’est que je souffrais réellement. Je serai bien vite guérie si tu viens de bonne heure et si tu restes un peu de temps auprès de moi. Il n’y a pas de seaub d’eau de promise, quelle quec fraîche qu’elle soit, et si bien lancé sur la carcasse de patient qu’on puisse le faire, qui vaille pour moi un sourire de ta ravissante bouche, un baiser, un regard, un souffle de ton être adoré et charmant. Pense à cela, mon bien-aimé, et viens bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 127-128
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « accès-là ».
b) « sceau ».
c) « quelque ».

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