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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 décembre [1842], jeudi après-midi, 2 h. a

Bonjour, mon adoré, bonjour mon Toto chéri. J’ai voulu écrire à cette pauvre mère Ledon, et envoyer l’acte à l’affreuse Ribot, avant de t’écrire ; c’est pour cela que je commence si tard, c’est parce que j’ai voulu prendre copie du brouillon de l’acte dans le cas où il serait perdu pour ne pas donner la peine de le faire recommencer de nouveau. Et puis, mon amour, j’ai passé une si mauvaise nuit. Presque blanche, à cinq heures je n’avais pas encore fermé l’œil. Je ne sais pas si c’est [de l’]agitation nerveuse, mais le fait est que je n’ai pas dormi de la nuit. Je m’en ressens ce matin car j’ai un mal de tête affreux. Je suis consternée de la mort de ce pauvre Ledon, non pas qu’il soit autrement regrettable, mais parce que je ne sais plus à qui me confier et qu’il m’est de toute impossibilité maintenant de me coiffer seule. Je verrai à consulter sa femme mais je ne pense pas qu’elle connaisse personne. En attendant, je lui ai écrit pour lui faire mes compliments de condoléance. Elle avait, la pauvre femme, envoyé son neveu ce matin m’annoncer son malheur. Il n’a parlé qu’à Suzanne et ne lui a donné aucun détail nouveau sur cette mort si brusque.
Mon pauvre ange, je n’ai plus que très peu de papier et j’ai le cœur rempli d’amour. Heureusement que tout peutb tenir dans ces deux mots : je t’aime. Oui, je t’aime, mon adoré, du plus profond de mon cœur et de mon âme. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 333-334
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) La date est donnée sous la forme : « 29 décembre, jeudi 2h. après-midi »
b) « peu ».


29 décembre [1842], jeudi soir, 6 h. ¾

Pense à moi ce soir, mon adoré. Pense à moi toujours, et aime moi car toute ma vie, toute ma joie, toute mon âme sont concentrées en toi. Je vais bien souffrir ce soir, mon amour. Outre le chagrin de ton absence, j’aurai celui de te savoir avec une autre femme. Plains moi. Je suis un peu souffrante depuis quelque temps. Ce n’est pas la mort de ce pauvre coiffeur qui me fait penser à la mienne mais je t’assure, mon pauvre bien-aimé, que ce régime de deux ans et demia de vie sédentaire [1], sans air et presque sans bonheur, m’a fait beaucoup de mal. Ce soir, j’ai un mal de tête affreux. Si je pouvais marcher de temps en temps, il me semble que cela me ferait du bien. Le moment est mal choisi, je le sais que de reste, mon cher bien-aimé et ce que je t’en dis, c’est pour en parler, voilà tout.
Pauvre Toto adoré, tu as blessé ton cher petit pied et par sympathie, encore plus que par plagiat, je m’en suis fait autant hier dans le bain, de sorte que je peux à peine poser mon pied à terre ce soir.
J’espère que le tien ne te fera pas autant de mal et que tu pourras mettre tes petites beuttes, et étaler ton charmant petit pied au nez de Mlle Rachel. Prenez garde, mon amour. Pensez à moi dans ce moment là et cachez-le sous votre chaise plutôt que de me faire un si grand chagrin à moi, pauvre Juju, qui vous aime tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 335-336
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « demie ».

Notes

[1Juliette fait ici référence au fait que le voyage normalement annuel qu’elle fait avec Victor Hugo durant plusieurs semaines n’a pas eu lieu depuis deux ans, ainsi qu’à leurs conventions, dans le cadre desquelles elle ne peut sortir de chez elle sans être accompagnée de Victor Hugo.

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