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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars [1837], vendredi, midi ¼

Mon cher bien-aimé, la portière vient de me dire que la Suzette ne pourra revenir que dimanche soir, ce qui est bien long quand on est dans ma position. Mais enfin puisque nous avons consenti à en passer par là, nous sommes bien forcés d’attendre.
J’ai très mal à tête, je crois que j’ai encore un restant de fièvre.
Je vous aime mon Toto et je sens moins l’ennui et l’incommodité de ma position. Je vous aime plus que tous les biens de ce monde, je vous aime de manière à n’en sentir les maux que très vaguement, car en pensant à vous je sens que tous mes bobos se dissipent comme un mauvais rêve.
Si tu viens de bonne heure aujourd’hui je serai bien heureuse et bien contente. La soirée d’hier a été si bonne, il l’eût été encore davantage, si je n’avais pas été terrassée par cet horrible mal de tête. Mais aujourd’hui si tu me fais la grâce de venir, je serai très gaillarde et toute au bonheur de t’avoir.
Jour, un grand peintre, comment que vous vous portez célèbre artiste ? Le gouvernement de Juliette vous a commandé deux biens beaux tableaux dont j’ai vu le premier fini et le second à moitié terminé. Je vous en félicite, mon cher artiste. Je voudrais bien être ce gouvernement-là qui a le droit de commander deux tableaux et de les prendre.
Jour, je vous baise les mains.

Juju

BnF, Mss, NAF 16329, f. 331-332
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


31 mars [1837], vendredi après midi, 11 h. ½

Mon cher et bon petit homme, je vous aime de toutes mes forces. J’ai bien le désir de vous voir très tôt et pour cela je hâte mes affaires comme si cela pouvait vous faire venir plus vite. J’ai oublié hier d’écrire à Mlle François pour la prévenir, je vais le faire aujourd’hui.
Jour, un petit Loto, je n’ai plus rien à manger dans ma maison.
J’attendrai ce soir pour me commander quelque chose dans le cas où vous auriez l’intention de me mener dîner en ville chez passoir ce soir [1] ou partout ailleurs, ce qui m’est indifférent pourvu que vous y soyez. Mais je suis sûre que votre avarice bien connue vous empêchera de m’offrir de la viande et cependant vous savez bien que je VEUX DE VOUS. Vous êtes une vieille bête en PEAU.
Jour. Je vais mieux, j’ai secouéa la fièvre et le mal de tête, autant que j’ai pu et cela m’a assez bien réussi jusqu’à présent. Il ne me manque que de vous voir. C’est peu de chose, mais c’est tout. Je ne sais pas comment je ferai pour me dessaisir d’un mes trésors. Il est probable que d’ici là je trouverai un expédient, fût-ce même un crime qui me mettra en légitime possession de vos deux chef-d’œuvres.
En attendant je suis la plus humble et la plus prosternée de vos servantes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 333-334
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « secouer ».

Notes

[1Passoir est un restaurant chic dont Juliette fait souvent rimer le nom avec « pas ce soir » pour reprocher à Victor Hugo de ne pas l’y emmener assez souvent.

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