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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mars 1837

18 mars [1837], samedi, midi ¼

Bonjour toi le bien-aimé. Jour, onjour, onjour. As-tu un peu reposé cette nuit ? Mon bon cher petit homme, tu travailles trop. Je ne sais comment te dire cela avec les besoins sans cesse renaissants de ma maison. Et cependant, mon bon ange, je sens jusque dans la moelle des os le supplice que tu t’imposes avec tant de courage et de constance toutes les nuits. Je me reproche jusqu’aux plaisanteries que je te dis quelques fois, non pas pour stimuler ta générosité, grand Dieu, car tu es avec moi généreux jusqu’à l’abnégation de toi-même, mais pour égarer par des bêtises ce que notre position a d’austère et de sérieux. Eh bien, dis-je, ces plaisanteries me reviennent à l’esprit comme des fautes et des torts dans le moment où tu sacrifies ta santé et ton repos pour moi. Mon bien-aimé adoré, je voudrais que tu fusses bien persuadé de ma loyauté et de ma gratitude pour t’assurer que je suis très contente de ma position, que je désire de toute mon âme travailler pour te soulager dans la tâche que tu as prise si généreusement et que je mettrai le plus d’harmoniea possible dans mes dépenses.
Sois sûr aussi mon bon bien-aimé que je ne me plains jamais que de ne pas te voir assez au gré de mon amour, mais jamais d’autre chose.
Si tu pouvais ne pas aller ce soir chez M. Bernard, je serais bien heureuse. Si tu ne peux pas t’en dispenser, je serai triste, mais résignée, car je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 283-284
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « armonie ».


18 mars [1837], samedi soir, 8 h.

Mon cher petit homme bien aimé, vous paraissiez avoir aujourd’hui la tête plus grosse que le poing. Je suis bien impatiente d’entendre les merveilles que vous avez misesa au monde ce soir.
Je donnerais 2 sous de bon cœur pour y être déjà. QUEL BONHEUR. Est-ce que j’ai été bien désagréable aujourd’hui ? Est-ce que tu m’en veux bien beaucoup ? Tu peux bien me pardonner car il est certain que je vais assez souffrir si tu vas, comme cela n’est qui trop certain, chez M. B. [1] ce soir. La joie que tu me donnes d’un côté le diable me la retire de l’autre, ce qui fait que je suis continuellement souriante et triste, heureuse et mécontente, deux extrêmes qui se croisent d’un bout à l’autre de ma vie sans solution de continuité, trop heureuse si le bonheur ne se casse pas un jour par le milieu en ne me laissant que le malheur de vous avoir trop aimé.
Espérons que non, cependant. Je le ménagerai tant et si bien, ce bonheur ; je tirerai si peu fort dessus qu’il faudra qu’il soit bien faible et bien usé pour ne pas me durer autant que ma vie. Je te baise, je t’aime, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 285-286
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « mis ».

Notes

[1M. Bernard.

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