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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 janvier [1838], mardi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour, cher adoré, bonjour, mon petit bien-aimé chéri. Je m’endors toujours tard, c’est ce qui est cause que je me réveille toujours tard. Il faudrait déranger toutes mes habitudes pour me ramener à faire du jour le jour et de la nuit la nuit. Mais comme après tout cela importe peu, j’aime autant rester comme je suis pourvu que je rêve de toi comme je l’ai fait aujourd’hui. C’était très doux et très gentil. Je voudrais bien savoir, mon amour, si on donnera demain ou après Hernani [1]. Je l’ai tant promis à cette pauvre Claire que ce serait bien malheureux si on ne le donnait pas. J’espère que tu auras eu des nouvelles du théâtre aujourd’hui, que tu sauras si on le donnea un de ces deux jours.
J’étais bien triste cette nuit quand tu es venu parce que je croyais que tu étais allé chez M. de Séguierb et de là au théâtre, mais quand tu m’as eu dit avec ta douce et charmante voix que tu étais resté chez toi à travailler, je n’ai plus sentic que le regret de t’avoir soupçonné injustement et la joie de te revoir. Je t’aime tant. Je ne sais que t’aimer et puis toujours t’aimer. Jour, mon petit [l’ ?] homme. Il dégèle toujours, il fait très vilain dans les rues.
Je suis fâchée, mon adoré, que vous ayez préféré mettre hier vos petites beuttes en place de vos bonnes, respectables et confortables bauttes. Au moins, vous n’auriez pas les pieds mouillés et je n’aurais pas à craindre les rhumes et les fluxions de poitrine dont Dieu nous garde car je serais capable d’en mourir de chagrin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 31-32
Transcription de Nathalie Gibert-Joly assistée de Gérard Pouchain

a) « donnes ».
b) « Ségier ».
c) « sentit ».


30 janvier [1838], mardi soir 6 h. ½

Vous tardez bien à venir, mon cher petit homme, et quoiqu’ila ne soit pas six heures et demie comme le marque ma pendule, il n’en est pas moins trop tard pour revoir son Toto adoré qu’on n’a pas vu depuis cette nuit. J’ai reçu une lettre que je suppose de Claire mais dans le doute je me suis abstenue de l’ouvrir. Voilà de la vertu d’amour ! J’ai eu aujourd’hui le blanchisseur que je n’ai pas pu payer entièrement. Je dois aussi de l’argent à Suzette. Oh ! je suis une jolie fille. Je trouve moyen de dépenser plus d’argent que je ne vaux. Cependant je fais ce que je peux, pauvre bien aimé, pour te rendre le fardeau moins lourd. Ce n’est pas la faute de mon amour ni de mon économieb si je ne réussis pas mieux. Je viens encore d’envoyer Suzette chez Carcel pour la lampe. Cette semaine, c’est comme un fait exprès, nous avons en faux frais une somme d’argent ; les cabriolets, et les tas de neige aidant ma maladresse nous n’en serons pas quittes pour 10 francs. C’est très gentil quand on est pauvre comme nous le sommes. Je bisque, je rage, je ne mange pas de fromage mais je pourrais en manger.
Mon cher petit homme adoré, tu travailles donc toujours que tu ne viens pas ? Pense à moi qui t’aime de toutes mes forces et de toute mon âme et tâche de venir très tôt. Soir, mon petit nono, soir, mon amour, je t’aime plus que jamais. Je baise vos belles mains entre chaque doigt et toutes vos dents une à une.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 33-34
Transcription de Nathalie Gibert-Joly assistée de Gérard Pouchain

a) « quoi qu’il ».
b) « écomie ».

Notes

[1Hernani est repris à la Comédie-Française les 20, 23, 25, 27, 29 et 31 janvier et les 6, 9, 12, 18, 21, 23 février.

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