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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 > BnF, Mss, NAF 16324, f. 73-74

Mardi après-midi, 2 h. 10 m.

Vous étiez si pressé de vous en aller tantôt que vous en avez oublié votre montre. Vous avez tant dormi aujourd’hui que vous n’avez pas vu  ? – votre femme. Si vous croyez que vous êtes beau quand vous vous conduisez comme cela [1]. Décidément, vous êtes un affreux scélérat. Vous étiez déjà un larron-cierre [2].
Je trouve qu’il fait très doux aujourd’hui, trop doux même pour notre voyage. Il n’y a pas de raison pour que nous ne rentrions pas dans Paris à l’état de fumeron [3], ce qui vous contrarierait fort.
Mon cher petit garçon chéri du beau sexe, cela diminuerait un peu l’intensité de vos ravages, ce qui m’arrangera très bien, moi. Je suis dans ce moment-ci dans une veine d’amour et d’adoration comme jamais je n’ai été plus. Quel malheur que vous ne soyez pas là pour en profiter. Il faut que je me borne à mettre tous mes baisers, toutes mes caresses en chiffre sur le papier. Mon amour, je le garde au fond de mon cœur. Quand vous en voudrez, vous saurez que c’est là qu’il faut l’aller chercher. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 73-74
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation d’une réplique de La Tisbe dans Angelo, tyran de Padoue, Première journée, scène première : « Si vous croyez que vous êtes beau quand vous me regardez comme cela ».

[2Jeu de mots. Marie de Morell, jeune fille de seize ans, avait accusé Émile de la Roncière de tentative de viol. Elle avait en réalité monté la scène d’un crime imaginaire, en se ligotant elle-même, et en accumulant pour preuves des lettres menaçantes signées « E. de la R. ». Innocent, le jeune homme fut pourtant condamné à dix ans de prison le 10 juillet 1835 à la suite d’un procès aux implications politiques souterraines, sa famille étant ennemie de celle du maréchal Soult, parent de Marie de Morell. Il fut libéré en 1843 grâce à l’action de sa famille et son honneur lui fut rendu en 1849. Juliette évoque encore cette affaire dans la lettre suivante. Cette lettre a probablement été écrite après le 10 juillet 1835, et avant le départ en vacances du 25 juillet, le mardi 14 ou 21 juillet.

[3Fumeron : « Morceau de charbon de bois qui n’a pas été suffisamment carbonisé et qui répand beaucoup de fumée lorsqu’on l’allume » (Larousse).

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