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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 12 juillet [1852], mercredi matin, 7 h.

Bonjour, mon pauvre doux bien-aimé, bonjour avec tout mon cœur et avec toute mon âme, bonjour. J’ai beau vouloir prendre le dessus sur ce triste événement d’hier je n’en viens pas à bout car, outre la perte matérielle qui est immense pour nous, surtout dans ce moment-ci, il y a la perte morale, la confiance, l’estime que rien ne peut remplacer [1]. Je ne sais pas ce que je ne donnerais pas pour que cette chose si louche se dénoue à l’honneur de la probité de cette malheureuse famille. Aussi j’attends demain avec une impatience que rien ne peut exprimer mais au fond sans grand espoir de voir se réaliser la seule chance que nous ayons c’est-à-dire un retard dans le service de la poste.
Pardon, mon pauvre bien-aimé, de t’entretenir encore de cette chose triste à tous les points de vue mais il m’est impossible de penser à autre chose. Ta douleur, ta résignation et ton courage sont autant de regrets qui m’entrent dans le cœur et le font saigner. Pauvre, pauvre grand adoré, c’est presque un remordsa pour moi que ce surcroît d’embarras t’arrive à mon occasion. Aussi mon chagrin se ressent de cette fausse position et s’en accroît d’autant. Pardon encore une fois mon généreux et ineffable bien-aimé, pardon de ma douloureuse susceptibilité, pardon de t’aimer trop. Je te souris, je ne pleure plus. Je t’aime et je me résigne à mon tour à ma mauvaise chance. Cher adoré est-ce que tu as pu dormir cette nuit, malgré la chaleur et tout ce que tu avais bu de bière et d’eau ? Quant à moi je n’ai pas fermé l’œil et j’ai passé mon temps de minuit à 6 h. du matin à changer de chemises. Aussi ce matin je suis un peu fatiguée mais cela se dissipera dans la journée. D’ici là je vais finir de copier ce que tu m’as donné et puis je t’attendrai et puis je serai bien heureuse malgré tout si tu viens de bonne heure.

Juliette

Collection particulière
Transcription de Gérard Pouchain

a) « remord ».

Notes

[1Un mandat de 310 F. envoyé à Mme Lanvin s’est perdu, comme l’indique la lettre précédente.

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