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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 janvier [1842], dimanche matin, 11 h.

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon Toto adoré. Comment que ça va, mon bon petit homme ? As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Je t’aime, mon cher petit Toto, et je me réveille bien souvent dans la nuit par la préoccupation que j’ai de savoir si tu vas venir te coucher auprès de moi, si tu n’as pas froid et si tu ne te fatiguesa pas trop à travailler. Pourquoi n’est tu pas venu ce matin, mon petit Toto ? Je t’aurais pourtant bien caressé et bien dorlotéb, et j’aurais réchauffé tes amours de petits pieds que j’aime tant et qui ne me le rendent pas, car ils reviendraient plus souvent vers moi. Pourquoi donc, méchant, n’êtes-vous pas venu ? C’était pourtant le cas en l’absence de votre atroce cuisinière, et un jour de dimanche où tout le monde est à la messe. Vous êtes un bête et un méchant. Voilà. Baisez-moi et demandez-moi pardon la nuit prochaine. Jour Toto, jour mon petit o, tu es mon amour adoré. Je t’aime, entends-tu ? Il paraît qu’il fait bien beau ce matin, tant mieux, ça fait que tu n’auras pas tes pieds mouillés. D’ailleurs, on t’apportera ta botte aujourd’hui et il faut espérer que tu pourras la mettre et l’endurer. Quant aux souliers, si tu y tiens, il faudra d’autres renseignements plus positifs. En attendant, je voudrais être avec vous dans quelque coin de la terre, n’importe lequel, avec deux bons mois de bonheur devant moi. Ceci me mettraitc un peu de baumec dans mes épinards et me mettraitd un fameux velourse sur le cœur. Hélas ! je n’y suis pas encore et qui sait par quelle absence, par quelle tristesse, et quel découragement il me faudra passer pour y arriver. C’est égal. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 91-92
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « fatigue ».
b) « dorlotté ».
c) « beaume ».
d) « mettrais ».
e) « velour ».


30 janvier [1842], [dimanche] après-midi, 4 h. ½

Je vous attends toujours mon bien-aimé, et toujours vous ne venez pas, c’est bien ennuyeux. Je suis sous les armes à cause du dimanche et de la chance d’avoir quelques péronnelles tout à l’heure. Mais si vous vouliez venir me chercher pour dîner au banquet d’Anacréon ou tout autre cabaret, j’abandonnerais avec enthousiasme toutes ces femelles à leur malheureux sort et à ma soupe aux lentilles et au lard. Essayez seulement pour voir et vous verrez de quoi est capable une Juju partant pour la guerre avec son toto adoré. Mais vous ne ferez pas ça, vilain méchant, et vous êtes un bête car enfin, qu’est-ce qui nous rendra tous ces beaux jours perdus À NE RIEN FAIRE ? Malgré tout votre esprit et tout votre génie, j’ai dans mon petit doigt assez d’amour pour vous damera le pion en fait d’esprit de conduite. Taisez-vous, monstre, vous n’avez pas la parole, je ne vous la donne pas. Baisez-moi et taisez-vous, je vous le permets. Quel temps ravissant aujourd’hui, on dirait une journée de printemps. Voici qu’on sonne, c’est peut-être le bottier ou une de mes femmes. Je me dépêche de te donner des millions de baisers. C’était Mme Triger, sa cousine et son fils qui venaient en visite. Les voilà partis mais moi, je reste et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 93-94
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « dammer ».

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