Paris, 18 octobre [18]77, jeudi matin, 11 h. [1]
Si ça n’est pas trop te demander, mon cher bien-aimé, je te prierai de me faire sortir un peu tantôt. J’ai depuis quelques jours la tête très lourde et je pense qu’un peu d’air vif lui fera du bien. En attendant, je vois avec attendrissement et avec admiration le succès toujours croissant de ton livre flamboyant comme l’épée de l’archange terrassant le démon. Il faudrait être toi pour parler dignement de cette œuvre formidablement sublime ou t’adorer comme on adore Dieu. C’est ce que je fais. Tout ce qui est en dehors de cette adoration ne compte pas pour moi dans ma vie. J’espérais que les élections finies à l’honneur de la République nous donneraient tout de suite une grande joie et un grand calme mais, d’après ce que je vois, la situation politique ne s’est guère améliorée et il va falloir trimer à nouveau à la Chambre et au Sénat à vos risques et périls tous tant que vous êtes, la France comprise [2]. Tout cela n’est guère rassurant et je donnerais tout au monde pour être hors de ce margouillis. Sois béni.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 283
Transcription de Guy Rosa