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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 octobre [1839], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon adoré petit homme, bonjour mon Toto bien-aimé, comment vont tes beaux yeux mon cher petit bien-aimé ? Je vais te faire ta tisanea moi-même ce matin. Je t’ai déjà bien lavé ton petit linge. J’attends toujours les tapissiers, je suis prête et sous les armes et je voudrais bien que cette fois ce ne fût [pas] pour rien. Je t’aime, mon Toto chéri. Je ne te le dis jamais assez et je trouve tous les mots qui ne sont pas « je t’aime » inutiles et insignifiantsb. Je t’aime, voilà qui est bien charmant. C’est la musique de l’amour comme le baiser en est le parfum. Aussi t’embrasser et te dire que je t’aime, c’est le charme de ma vie, ma pensée et mon âme. Le côté triste et douloureux, c’est ton absence, c’est ton travail si opiniâtre et qui te tue. Je ne te dis pas le reste qui ne sont que des accessoires et qui ne sont d’ailleurs que la conséquence des deux plaies que je viens de nommer. Mais je t’aime, mais je t’admire, mais je t’adore et je ne voudrais pas changer ma vie avec toi contre les richesses de toute la terre ni cellesc du ciel.
Voici les tapissiers enfin. Aussi déjà le remue-ménage commence. Je vais m’en mêler aussitôt que j’aurai rempli ma page blanche. Je ne dis pas aussitôt que j’aurai fini car je n’ai jamais fini de vous dire ce que j’ai sur le cœur. Jour, mon Toto. Jour, mon adoré, aime-moi comme je t’aime. Jour, onjour. Je t’adore, papa est bien i. Baisez-moi, ménagez vos yeux et ayez grand soin de vos chers petits pieds qui ne sont pas très à l’abri dans vos BOTTESd ET AIMEZ-MOI.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 275-276
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tisanne ».
b) « insignifians ».
c) « celle ».
d) « bauttes ».


30 octobre [1839], mercredi soir, 9 h.

Je viens seulement de renvoyer cette bonne femme que tu as vuea tantôt. Elle m’a raconté et raconteras-tu la folie de ce pauvre M. Guérard et la pauvre bonne femme n’est guère moins timbrée que lui. Enfin… elle m’a remis au moment de partir 2 petits poulets de sa fille qui demandent de l’argent à corps et à crisb mais comme sa gêne n’est qu’à la surface et que la mienne l’est très réellement au fond, je prends le parti de n’en pas tenir autrement compte et de lui faire mille compliments agréables et affectueux. Mais c’est assez parler de Mme Guérard et de son auguste famille, rien que les lignes que je viens d’écrire valent plus que ce que je lui dois. Bonjour, toi. Bonjour, mon adoré. Bonjour, je t’aime. Je suis dévorée de jalousie mais je t’aime. J’ai le cœur plein d’inquiétude et de chagrin aussitôt que je te perds de vue mais je t’adore. Mais je suis la plus joyeuse et la plus ravie des femmes aussitôt que tu montres le petit bout de ton nez. Résisieux est aussi de cet avis-là et trouve que j’écris horriblement mal, ce qui l’autorise à me donner des leçons d’écriture sur mon buvard. Pendant ce temps-là, mon cœur vac sans s’occuper de ma plume et encore moins de mon esprit. Et je t’aime onze millions de milliards de fois plus vite que la pensée. Baisez-moi, aimez-moi, ne regardez pas Mlle Rabut et soyez-moi fidèle comme je vous le suis de corps et d’âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 277-278
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « vu ».
b) « cris ».
c) « va va ».

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